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120 chefs-d’œuvre de l’Institut du Monde Arabe au Musée Mohammed VI

120 chefs-d’œuvre de l’Institut du Monde Arabe au Musée Mohammed VI

Dans cet entretien, Jack Lang, président de l’IMA parle de l’exposition qu’il coorganise avec la Fondation nationale des musées du Maroc au Musée Mohammed VI.

Il nous évoque aussi ses projets pour l’Institut du monde arabe et son ambition de créer en son sein un musée d’art contemporain arabe.

Ma première question portera sur la grande exposition qui sera inaugurée à Rabat au Musée Mohammed VI à laquelle l’IMA participe aux côtés de la Fondation des musées du Maroc. Quelle sera la spécificité de cette exposition, sachant que vous avez déjà organisé ici à l’IMA en 2016 une grande exposition sur l’art contemporain marocain ?
« C’est très différent parce que l’exposition sur l’art contemporain marocain avait lieu à Paris. Ce fut un événement exceptionnel, c’était une traversée complète de toutes les formes d’expression artistique du Maroc. Le succès d’ailleurs fut grand. Cela s’était accompagné d’événements sur le Maroc, sur la vie marocaine. Vous vous souvenez que non seulement tout le bâtiment était pour la première fois et la dernière d’ailleurs dédié à un pays, au Maroc. Par ailleurs, sur le parvis, on avait édifié une grande tente marocaine qui a abrité pendant plusieurs mois des concerts, la gastronomie. Il y a eu d’autres événements concernant le Maroc ici même, en particulier, l’année où le Maroc était à l’honneur au Salon du livre. Sa Majesté nous a proposé de présenter une exposition de trésors rares, de manuscrits uniques, appartenant aux archives Royales. Le Maroc est un pays qui est admiré, aimé et apprécié ».

« L’exposition de Rabat est une exception parce que c’est la première fois que des chefs-d’œuvre de la collection de l’Institut du monde arabe sortent de l’IMA pour voyager hors de France. Même en France c’est très rare. C’est au Maroc que cette première a lieu, en lien avec M. Mehdi Kotbi, président de la Fondation des musées du Maroc. Nous présentons 120 chefs-d’œuvre d’art moderne arabe au Musée Mohammed VI. Cette exposition imaginée par l’IMA et par la Fondation des musées du Maroc est appelée à être présentée aussi à Marrakech et à Tanger ». La collection présentera un riche panorama sur les avant-gardes et les modernités plurielles des pays du monde arabe depuis 1945 à nos jours. Avec une majorité de peintures mais aussi des sculptures, des photographies et des œuvres graphiques.

« L’art et la culture ont pour rôle de rapprocher les peuples, les Etats et les politiques, cela signifie donc qu’ils jouent un rôle très important, fondamental. La culture est un pont, l’IMA est un pont d’ailleurs, c’est la raison pour laquelle l’IMA a été imaginé, c’est un pont entre le monde arabe et le monde occidental. Le savoir, la culture, la science et l’éducation doivent être au cœur des politiques publiques, des relations internationales, mais aussi des politiques nationales ».

En parlant du rôle du président de l’IMA, vous avez défendu à plusieurs reprises la langue arabe

« Quand j’étais ministre de l’Education déjà, je m’étais beaucoup engagé pour assurer l’enseignement de la langue arabe sur tout le territoire. J’avais d’ailleurs créé des postes d’enseignement en grand nombre. Ici même, dans notre département de langue arabe, c’est une œuvre collective dont je suis fier, nous sommes la seule institution au monde qui a créé une certification internationale en langue arabe, qui permet d’évaluer les compétences des apprenants. C’est très bizarre, mais une langue universelle comme la langue arabe, la 5ème pratiquée dans le mode, ne disposait d’aucun système d’évaluation des connaissances et des compétences, comme il existe par exemple le TOEFL pour la langue anglaise. On l’a créé ici et c’est une grande réussite. En effet, cela se répand dans beaucoup d’établissements en France et à l’étranger, dans beaucoup de pays arabes ou non arabes ».

« Et en même temps, dans nos activités, on n’est pas strictement enfermé dans des frontières. Aucun pays ne doit être enfermé dans ses frontières. Il y a des sujets que nous traitons ici et qui incluent d’autres pays, en particulier l’Iran. L’exposition sur les jardins de l’Orient qui a été un grand succès, a inévitablement associé les jardins perses -en lien avec les jardins arabo-musulmans ».

La promotion du vivre-ensemble est-elle toujours essentielle pour vous ?

« Je pense que la France est un pays qui a toujours su entremêler les cultures, les savoirs et les populations et c’est ce qui fait son génie propre. Le racisme existe ici et ailleurs, dans tous les pays. Rappelons-nous qu’en 1920, entre les deux guerres, le racisme anti-italien était colossal. Ils étaient traités comme des bêtes, insultés comme les voleurs. Aujourd’hui toutes ces familles sont intégrées, on ne fait même pas attention à la consonance des noms. Je suis optimiste parce que je vois que beaucoup de médecins, de chercheurs, de professeurs et d’écrivains originaires directement ou indirectement de pays du Sud sont pleinement intégrés à la société ».

« D’ailleurs, souvent on ne prête même plus attention aux noms. A la radio, c’est très impressionnant à écouter ou à voir à la télévision il y a des Mohamed, Fatima … on ne prête pas attention aux noms. Il y a malheureusement des poches de racisme c’est certain, racisme antisémite, aussi racisme anti-islamique, anti-arabe, anti-islam. Je crois que le gouvernement prend des mesures. Notre président monsieur Macron a une vision qui est meilleure que dans le passé, il dit aux musulmans, organisez-vous vous-mêmes. Ce n’est pas à l’Etat français d’ordonner, on n’est plus à l’époque de Napoléon. L’Etat vous donnera un coup de main. Je pense que c’est un vrai respect, pas une tutelle que je trouvais toujours personnellement un peu humiliante ».

Quel est votre projet pour le prochain mandat ? On a parlé dans la presse française d’un candidat concurrent pour la présidence de l’Institut.
« Oui, mon projet, c’est le projet de l’Institut du monde arabe. Voici les expositions à venir : la Palestine au mois de mai avec un projet très original à la fois sur l’histoire et sur la créativité palestinienne contemporaine. Il y a un projet sur les parfums d’Orient à l’automne, un autre sur les artistes femmes saoudiennes ».

Vous avez aussi parlé de la création d’un musée de l’art à l’IMA 
« Je trouve que le musée actuel est très beau, remarquablement présenté et d’ailleurs ce qui est toujours très émouvant, c’est de constater que beaucoup de jeunes viennent dans ce musée pour connaître et comprendre l’histoire des pays arabes, de la culture arabe, de la langue arabe. Un musée vivant est capable de se reconfigurer. Alors pour cette reconfiguration, un déclic s’est produit avec la donation d’une grande collection de collectionneurs franco-libanais. M. Claude et France Lemand, des gens passionné nous ont fait don de 1800 œuvres, c’est colossal. Aussi, nous avons décidé de redessiner le musée. Le musée de l’Institut du monde arabe sera le premier et le plus important musée d’art moderne et contemporain en Occident ayant un rapport avec le monde de l’art ».

Que pouvez-vous faire en cette période de crise au sujet de la relation entre les deux pays. ?
« On ne peut pas parler de francophonie quand on empêche des étudiants, des chercheurs, des entrepreneurs et des artistes de venir en France. Alors, ils préfèrent l’Espagne, l’Angleterre et les Etats-Unis. La question des visas est réglée. D’autres questions importantes existent encore mais elles se régleront j’en suis sûr avec le temps et la diplomatie parallèle. L’art et la culture sont des outils diplomatiques efficaces. Plus que jamais, la culture, le savoir et l’éducation doivent contribuer à cette diplomatie. C’est au Maroc que les instituts français sont les plus forts et les plus présents ». 

On sait que Jack Lang aime le Maroc et sa culture. Il a d’ailleurs consacré une place exceptionnelle à la gastronomie marocaine au 9ème étage de l’IMA où le restaurant Dar Mima, géré par le comédien franco-marocain Jamel Debbouze, a ouvert ses portes il y a peu.

Informations pratiques

A partir de Mars 2023: exposition itinérante au musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain à Rabat, au musée la Kasbah, espace d’art contemporain à Tanger et au musée des Confluences Dar El Bacha à Marrakech.

Gérard Flamme

Avec l’aimable autorisation de la Fondation nationale des musées – Maroc

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