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Cartier dévoile son atelier de haute joaillerie, le plus grand au monde

Cartier dévoile son atelier de haute joaillerie, le plus grand au monde

Avec près de 200 artisans de renom réunis sous un même toit à Paris, Cartier possède le plus grand atelier de joaillerie au monde.

Depuis septembre 2016, la maison de luxe du groupe Richemont  regroupe ses différents centres de production en un seul lieu. Un discret bâtiment du IXe arrondissement, situé au cœur de l’historique quartier des joailliers de la capitale. Pour pénétrer dans cet édifice, il faut présenter un badge sécurisé pour accéder à chaque pièce et chaque étage est protégé par une porte, dont l’accès est strictement sécurisé.

Les longs couloirs se déploient dans cet environnement silencieux. Derrière leurs parois vitrées, les ateliers ressemblent à d’anonymes bureaux. Il s’agit de pièces, volontairement petites pour perpétuer l’esprit des micro-ateliers parisiens, qui réunissent chacune au maximum une douzaine d’artisans, mais souvent moins, dont deux apprentis, le métier se transmettant surtout oralement.


 Le site, où travaillent plus de 500 personnes, héberge par ailleurs les ateliers dédiés à la joaillerie fine réalisant des petites séries (une dizaine d’exemplaires par modèle) et ceux dédiés à la nouvelle joaillerie demandant beaucoup moins d’heures de travail sur chaque pièce? C’est aussi là qu’oeuvrent les gemmologues, la logistique et l’ingénierie. Les ateliers de haute joaillerie occupent trois étages, auxquels s’ajoute l’atelier situé au-dessus de l’historique boutique Cartier de la rue de la Paix, dénombrant 25 joailliers.

Les joailliers reçoivent un dessin envoyé par l’équipe de création. A partir de cette image, avec les pierres en main, ils vont concevoir tout le développement de la pièce, imaginer à l’avance les étapes de construction et les enchaînements pour organiser et programmer la réalisation du bijou. Toutes ces pièces uniques nécessitent entre 1.000 et 2.000 heures de travail, soit deux ans de labeur, qui peuvent aller même jusqu’à 5.000 heures. Cela signifie que l’artisan de haute joaillerie réalise ainsi à peine une cinquantaine de bijoux en quarante ans de carrière. Pour finaliser une collection, composée de 200 à 300 pièces, il faut compter au minimum deux ans et une organisation millimétrée dans les moindres détails, chaque création impliquant dix-sept métiers différents.


 
Au côté du joaillier œuvrent, entre autres, les sertisseurs, chargés d’enchâsser les pierres, les polisseurs, qui font briller la matière, les ciseleurs, les lapidaires, qui taillent les pierres, les glypticiens, qui les sculptent -un métier qui disparaît tout comme celui de l’enfileur de perles… « Il n’existe pas de formation par exemple pour ce métier. Il y en a très, très peu sur le marché », note Alexa Abitbol, directrice des ateliers de haute joaillerie, en soulignant l’importance de la formation. « Nous sommes attachés à la transmission. Il y a un besoin pressant de ces artisans spécialisés pour Cartier, mais aussi pour la profession. En tant qu’acteur majeur, nous avons la responsabilité d’aider les écoles dans leur développement », abonde Thibaut Lilas, directeur des ressources humaines manufacturing. Penché sur un haut établi en bois, où sont minutieusement disposés de minuscules outils (pinces, cisoires, scalpels, limes, forets, pointes, fraises, papier de verre, etc.), chaque joaillier vêtu d’une blouse blanche s’affaire à une tâche bien précise. La création d’une pièce d’exception débute par un premier moulage avec une sorte de pâte à modeler pour avoir une idée du volume. Puis, après de nombreux échanges avec les créateurs, on passe à la réalisation du modèle en cire, qui est ensuite envoyé à la fonte pour fabriquer le moule en plâtre dans lequel sera versé le métal pour créer les bijoux, selon la technique ancestrale de la fonte à la cire perdue.

Complexité des pièces

La base des colliers, quasiment invisible à l’œil nu, est très difficile à réaliser. Surtout si les clients demandent à porter le collier de différentes manières, par exemple en ajoutant ou en déplaçant des pierres. Philippe, Maitre artisan joaillier, prend délicatement sur la table avec un mouchoir un collier « Tutti Frutti » avec sa cascade de diamants, rubis, émeraudes et saphirs gravés en forme de feuilles, et le retourne pour en montrer l’envers avec son entrelacs d’éléments et liens emmaillés. Gravé de diamants, de rubis, d’émeraudes et de saphirs en forme de feuille, il se tourne pour révéler le revers avec des éléments complexes et des connexions symboliques. « Il faut tout cacher pour que seules les pierres soient visibles. Certains domaines nécessitent beaucoup de temps. « Par exemple, si vous coupez un pont ou un câble un jour, vous n’aurez qu’à le faire six fois ! » commente l’homme, qui affiche 35 ans de métier. « Et le plus difficile est de trouver les idées et les systèmes pour fabriquer les bijoux. Ce ne sera pas pareil. Parfois on est déçu, mais à la fin on y arrive toujours », dit-il.

La responsabilité de l’artisan- joaillier est d’autant plus grande, que Cartier met son point d’honneur à privilégier le fait main. « Moins de 15% du travail réalisé dans nos ateliers fait appel au numérique. Nous voulons maîtriser tous nos savoir-faire en interne », indique Alexa Abitbol. A titre d’exemple, les pierres sont scannées et reproduites en 3D afin de ne pas les abîmer. « Même si la technologie permet de gagner du temps, nos artisans, tous hyper spécialisés, effectuent la plupart des tâches à la main. C’est un élément distinctif de Cartier, qui plaît beaucoup, surtout dans la situation actuelle. Le fait de pratiquer beaucoup ces savoir-faire traditionnels permet de former les jeunes, mais aussi d’avoir une vraie continuité dans le style« , poursuit-elle.

La formation à plusieurs de ces méthodes traditionnelles permet de former les jeunes, mais permet aussi d’entretenir le style», poursuit-il. Dans ce contexte, la maison multiplie les initiatives pour renforcer la formation dans ces métiers hautement qualifiés d’autant que l’apprentissage est long -il faut une quinzaine d’années pour devenir un bon joaillier- et que le marché de la joaillerie est en forte croissance. Cartier a créé son propre Institut de joaillerie en 2002, logé dans un hôtel particulier, adjacent à l’édifice abritant ses ateliers. A Paris, la griffe a aussi coconstruit il y a deux ans avec la Haute École de Joaillerie un bachelor numérique d’un an, accueillant une vingtaine d’élèves en apprentissage, tandis qu’elle a lancé en octobre dernier la première formation en polissage (CAP en apprentissage de deux ans) avec l’École Boulle. Pour sensibiliser les plus jeunes aux métiers de la joaillerie, elle participe par ailleurs à l’initiative Les De(eux)mains du luxe organisée par le Comité Colbert.
 
« On accueille chaque année plus de 100 jeunes en formation en atelier dans les métiers de la joaillerie et de l’horlogerie, dans une logique d’embauche. Nous souhaitons doubler l’accueil en Suisse et en France. Pour nous, c’est un investissement à long terme. On recrute près de 50% des stagiaires. La meilleure façon d’entrer chez Cartier, c’est un stage en apprentissage ! », conclut Thibaut Lilas, tout en confiant que Cartier « a triplé ses effectifs dans la joaillerie en dix ans.

Gérard Flamme


 

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