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La Chambre marocaine de renaissance du cinéma et de l’audiovisuel est créée

La Chambre marocaine de renaissance du cinéma et de l’audiovisuel est créée

Présidée par la journaliste et productrice Asma Graimiche, la nouvelle structure professionnelle « la Chambre marocaine de renaissance du cinéma et de l’audiovisuel » (CMRCA) se donne pour objectifs l’instauration d’un écosystème durable pour l’industrie cinématographique marocaine et la promotion du 7ème art marocain à l’international.

Acte 2: les enjeux de la politique cinématographique vu par Asma Graimiche que nous avons interviewé en exclusivité.

Luxe infinity: Le Festival du film Marrakech. Notre première question concerne l’actualité à savoir que lors du festival du film Marrakech, deux films en co production marocaine ont été primés:

LA MÈRE DE TOUS LES MENSONGES (KADIB ABYAD) de madame Asmae El Moudir Production : (Maroc, Égypte, Arabie saoudite, Qatar) et LES MEUTES (HOUNDS) de Kamal Lazraq Production (Maroc, France, Belgique, Qatar, Arabie saoudite)

D’autre part trois films marocains ont été récompensés à la 76ème édition du Festival de Cannes. Il s’agit des longs métrages «Les Meutes», de Kamal Lazraq, et «Kadib Abyad» (La mère de tous les mensonges) d’Asmae El Moudir et «Ayyur» de Zineb Wakrim. Rappelons également Le Bleu du caftan de Maryam Touzani qui a obtenu divers prix internationaux. Et qui est encore en compétition internationale. D’autres festivals nationaux ont accueilli et primés des films à réalisation marocaine tel que le festival de Tunis en 2022 (liste non exhaustive). Question: Au-delà des formules consacrées « le cinéma marocain est en plein essor » et des autocongratulations, que vous inspirent ces récompenses attribuées aux réalisateurs marocains sur les scènes internationales?

Asma Graimiche : Les distinctions remportées par les films marocains au Festival du film de Marrakech et à la 76e édition du Festival de Cannes sont une preuve tangible de l’excellence croissante du cinéma marocain. Ces succès révèlent le talent de la nouvelle génération de réalisateurs marocains, qui contribuent actuellement à façonner un avenir prometteur pour le cinéma marocain. Ils mettent en lumière la diversité des histoires marocaines partagées à travers le cinéma, offrant une représentation riche et authentique de la culture du pays. De plus, ces reconnaissances internationales renforcent la position du Maroc sur la scène mondiale du cinéma, consolidant ainsi sa réputation en tant que contributeur majeur à cette industrie.

Notre objectif premier est de collaborer étroitement avec toutes les parties prenantes afin de préserver et d’élargir les libertés de création au Maroc. Le pays, déjà reconnu pour sa défense de la liberté artistique, a vu naître des réalisations remarquables telles que « Ali Zawa » de Nabil Ayouch, « Le Caftan Bleu » de Meriem Touzani et « Les Damnés » de Fayçal Boulifa. Ces œuvres illustrent la richesse et la diversité des expressions artistiques encouragées au Maroc.

La détermination de la Chambre marocaine de la renaissance du cinéma et de l’audiovisuel se traduit par son engagement à faciliter la collaboration entre les artistes, les décideurs et la société dans son ensemble. L’objectif ultime est de maintenir un environnement créatif florissant au Maroc. Cette approche stratégique vise à soutenir la croissance continue du secteur cinématographique et audiovisuel marocain en encourageant l’innovation, la diversité et la liberté d’expression artistique.

Luxe infinity: La création artistique. Partout dans le monde l’œuvre créatrice est attaquée au regard des valeurs conservatrices qui s’installent peu à peu. Les artistes, leurs œuvres dans toutes les disciplines sont attaqués et remis en cause au nom d’un « puritanisme » qui déplace les valeurs. Aux USA, en Europe ou ailleurs. Question: Comment votre organisation peut-elle défendre les libertés de création ?

Pas de réponse

Luxe Infinity: Le Bilan cinéma La troisième question concerne le bilan cinématographique 2022 émanant du centre cinématographique marocain publié en juillet 2023. Et très en lien avec vos motivations de mettre en œuvre cette nouvelle structure. https://www.ccm.ma/inter/bilans/18-bilan.pdf. Ce document fait état de la production de 25 longs métrages dont la moitié a bénéficié de l’aide à hauteur de 47.790.000 dirham soit 4 millions 770 000 euros, ceux n’ayant pas obtenu d’aides production à hauteur 33.766.583,00. En complément « Le cinéma marocain en tant que composante des industries culturelles : limites d’un modèle (2022) » voir document PDF sur le net. Pour aller plus loin il est fait état d’une statistique depuis 1980 à propos des aides octroyées aux longs métrages. La lecture en dit qu’entre 8 et 16 films en ont bénéficié chaque année. Question: En votre qualité de Présidente de cette nouvelle structure que vous inspirent ces chiffres au regard du contexte de production internationale qui relègue ce qui est la chaine de valeur du cinéma marocain comme peu remarquable.

Asma Graimiche: Il est important d’identifier et de soutenir les films d’auteurs, tout en construisant un public cinéphile solide. Il est essentiel de développer la conscience culturelle au sein du public marocain, renforçant ainsi la fréquentation des salles de cinéma dans notre vie quotidienne. Une solution prometteuse consisterait à intégrer l’art du cinéma dès les écoles primaires, éduquant ainsi les générations futures sur l’importance de la diversité cinématographique et encourageant une appréciation précoce du cinéma local et international.

En somme, pour revitaliser l’industrie cinématographique marocaine, il est essentiel de combiner des efforts visant à augmenter le nombre de salles avec une stratégie globale de sensibilisation culturelle et de promotion du cinéma national. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons forger un avenir prospère pour le cinéma au Maroc .

Luxe Infinity: La production. L’étude des chiffres de ces différents rapports démontre la faible capacité financière de la production au Maroc. Question: Comment mettre en œuvre des ambitions malgré cet état de fait ?

Asma Graimiche: L’industrie cinématographique au Maroc, malgré les efforts des décideurs pour la renforcer, fait face à des défis majeurs, notamment une capacité financière de production limitée. Pour concrétiser des ambitions durables dans ce domaine, il est impératif d’adopter de nouvelles stratégies novatrices.

D’une part, la diversification des sources de financement émerge comme une stratégie clé. L’exploration de partenariats publics-privés permettrait d’élargir considérablement les ressources financières, en engageant davantage le secteur privé dans le soutien aux projets cinématographiques. Cette démarche a le potentiel de stimuler l’investissement et de créer de nouvelles opportunités pour les cinéastes.

En parallèle, encourager les coproductions internationales représente une stratégie judicieuse. Ces collaborations peuvent non seulement offrir des ressources financières supplémentaires, mais également élargir la portée des films marocains à l’échelle internationale, renforçant ainsi leur visibilité et leur reconnaissance. À cet égard, il est essentiel que le ministère et le Centre Cinématographique Marocain intensifient leurs efforts pour revigorer et consolider les négociations des accords existants tout en initiant de nouveaux traités de coproduction avec un éventail plus vaste de pays. En tant que chambre, nous sommes prêts à unir nos efforts et à faciliter l’accès à ces partenariats. Cette diversification des partenariats créerait de nouvelles opportunités pour nos cinéastes en termes de ressources créatives, techniques et financières.

Par ailleurs, la réforme de la loi des tranches du fonds d’aide est indispensable. Passer de quatre tranches à deux tranches (80% initialement et 20% à la livraison) serait une démarche bénéfique. Cette réforme accélérerait le processus de production en réduisant les retards et en évitant les entraves financières pendant le tournage. Elle garantirait ainsi un flux de financement plus régulier et prévisible pour les réalisateurs, leur permettant de travailler sans stress, en toute liberté et créativité.

Enfin, l’établissement d’un mécanisme financier dédié revêt une importance cruciale. L’idée de créer des fonds spécifiques pour certains genres cinématographiques, des projets novateurs ou des jeunes cinéastes talentueux est prometteuse. Cette initiative jouerait un rôle essentiel dans la diversification du paysage cinématographique marocain en offrant des opportunités concrètes pour la réalisation d’œuvres variées et originales. En encourageant la création dans des domaines spécifiques et en soutenant les talents émergents, le mécanisme financier contribuerait à l’enrichissement de notre industrie et à l’émergence de productions diversifiées et novatrices.

Luxe Infinity: La distribution – Une autre question concerne la distribution. Le ministre de la Culture, Mohamed Mehdi Bensaid, a annoncé un ambitieux projet visant à ouvrir 150 nouvelles salles de cinéma à travers le pays d’ici quelques années. Les salles mono-écran ne sont plus qu’une dizaine contre plus de 300 dans les années 1980. Le marché des multiplexes, lui, semble être en essor avec l’arrivée de Pathé et de la société marocaine Cinerji. Ainsi de nombreuses salles historiques au Maroc ont été fermées et/ou sont en très mauvais état. Les plateformes de distribution font aujourd’hui la loi. Question: Là encore comment voyez-vous la situation évoluer ?

Asma Graimiche: Pour aborder cette question complexe, il est important de prendre en compte plusieurs aspects cruciaux de l’industrie cinématographique au Maroc.

Tout d’abord, le projet du ministère de la Culture visant à ouvrir 150 nouvelles salles de cinéma dans des centres culturels avec un total de 24 000 sièges est indéniablement une avancée dans la bonne direction. Cependant, il est essentiel de reconnaître que la réalité actuelle, avec seulement une vingtaine de salles, souligne l’ampleur du défi auquel nous sommes confrontés. La fermeture ou le mauvais état de nombreuses salles emblématiques constitue un coup dur pour notre précieux héritage cinématographique.

Face à la domination actuelle des plateformes de distribution en ligne, il est primordial de repenser notre approche. Encourager la création de plateformes nationales peut s’avérer une solution stratégique, favorisant la diffusion des productions locales tout en préservant notre identité artistique et esthétique. L’art et la culture jouent un rôle essentiel dans l’image d’un pays civilisé, et le marché cinématographique marocain doit relever le défi d’élargir les habitudes cinéphiles du public.

Luxe Infinity: La formation – Dans le cadre de ce rapport on note avec intérêt que quatre centres de formation ont bénéficié d’aide à la réalisation de court métrage. L’Ecole Supérieure des Arts Visuels de Marrakech / ESAV, L’Institut Supérieur des Métiers de l’Audiovisuel et du Cinéma (ISMAC), L’institut Spécialisé dans les Métiers Du Cinéma / OFPPT (ISMC OUARZAZATE), L’Institut Spécialisé du Cinéma et de L’Audiovisuel / ISCA. Question : D’après vous que faudrait-il faire pour que ces derniers deviennent de vrais acteurs internationaux dans la formation aux métiers du cinéma ?

Asma Graimiche: Pour renforcer l’efficacité des centres de formation cinématographique, plusieurs actions stratégiques s’imposent. Tout d’abord, il est essentiel d’établir des partenariats internationaux avec des institutions cinématographiques de renom. Ces collaborations permettront d’enrichir les connaissances des étudiants en les exposant à des perspectives globales.

De plus L’engagement de formateurs internationaux de qualité est également primordial. Leur expertise offrira aux étudiants une perspective professionnelle précieuse, élevant ainsi le niveau de la formation dispensée. Il est tout aussi important d’encourager la participation des étudiants à des festivals internationaux, ce qui contribuera à accroître leur visibilité sur la scène mondiale.

Par ailleurs, la création de programmes d’échange avec des institutions étrangères élargira les horizons des étudiants et leur offrira une expérience internationale enrichissante. L’intégration des dernières technologies cinématographiques dans les programmes de formation garantira que les étudiants restent au fait des développements actuels de l’industrie.

Enfin, l’organisation d’ateliers et de masterclasses animés par des experts internationaux permettra aux étudiants de bénéficier d’un apprentissage direct auprès de professionnels éminents.

Luxe Infinity: Lieu de réalisation – Ouarzazate occupe une place particulière. L’industrie cinématographique à Ouarzazate booste l’économie de toute la région. Question : comment faire de ce lieu une place déterminante pour les tournages internationaux ?

Asma Graimiche: Tout d’abord, le Maroc dispose d’incitations attrayantes, notamment un cash rebate de 30% et une exonération de TVA de 20%. Ces avantages fiscaux, combinés à la situation géographique stratégique du pays, à ses décors naturels variés, à son riche patrimoine culturel et à sa stabilité sécuritaire, en font un leader du service de production dans la région MEA. Il est crucial de promouvoir ces atouts à travers des campagnes internationales ciblées pour attirer davantage de productions internationales.

Ensuite, le Maroc offre une diversité remarquable de décors naturels, bien au-delà d’Ouarzazate. Des lieux tels que Dakhla, Tanger, Fès, Essaouira et bien d’autres regorgent de sites captivants pour les cinéastes. Des  campagnes  internationaless stratégique devraient mettre en avant cette richesse pour attirer une variété de productions cinématographiques.

De plus, nous devons investir dans des infrastructures cinématographiques de pointe, notamment des studios équipés conformes aux normes internationales. Malgré les avantages dont nous disposons, le manque de studios de qualité reste un obstacle. Ces installations modernes attireraient davantage de productions internationales et stimuleraient l’industrie cinématographique locale.

Investir dans la formation locale, en particulier dans les régions cinématographiques renommées, est essentiel. Cela permettrait de développer une main-d’œuvre qualifiée capable de répondre aux exigences des productions internationales tout en maintenant des normes élevées à des coûts compétitifs.

La simplification des procédures de tournage, la réduction des délais d’obtention des autorisations et l’accélération du processus d’obtention du cash rebate sont des éléments fondamentaux pour rendre l’environnement encore plus attrayant pour les studios et les producteurs internationaux. Une bureaucratie simplifiée et des délais réduits faciliteraient la planification et la réalisation des projets.

En parallèle, l’intégration du secteur du tourisme en améliorant les conditions des établissements touristiques et en augmentant la capacité hôtelière dans les régions concernées contribuera à renforcer le service de production, stimulant ainsi l’économie locale. Cette synergie entre le cinéma et le tourisme peut créer des opportunités économiques durables.

Luxe Infinity: En résumé le secteur du cinéma au MarocQuestion : Quelles sont les mesures à prendre pour que la chaine de valeur du cinéma au Maroc puisse être en mesure de rivaliser avec les industries cinématographiques dans le monde.

Asma Graimiche: Je peux résumer le secteur du cinéma au Maroc en neufs  points principaux :

  • Investissement dans les infrastructures cinématographiques : Développement des infrastructures cinématographiques et du secteur touristique dans les régions attirant les productions internationales.
  • Développement des Talents Locaux : Le Maroc regorge d’acteurs, de réalisateurs et de techniciens talentueux. Il est crucial d’offrir plus de formations et d’opportunités à ces talents.
  • Augmentation du Soutien Financier et Création de Fonds avec le Secteur Privé : Il est nécessaire d’augmenter le soutien financier des productions locales pour stimuler le secteur. De plus, la création de fonds en collaboration avec le secteur privé pourrait offrir des solutions de financement supplémentaires et diversifiées.
  • Amélioration de la Distribution et de l’Accès au Marché International : Il est essentiel d’améliorer la distribution et l’accès au marché international pour les films marocains.
  • Promotion de la Culture et de l’Histoire Marocaines : Utiliser le cinéma comme moyen efficace pour promouvoir la riche culture et l’histoire marocaine.
  • Investissement dans la Technologie et l’Innovation : Investir dans les nouvelles technologies et les méthodes de production innovantes est crucial pour l’évolution du secteur.
  • Établissement de Partenariats Internationaux : Créer des partenariats avec d’autres industries cinématographiques pour des échanges de savoir-faire et de ressources.
  • Simplification des Procédures Administratives : Simplifier les procédures du Centre Cinématographique Marocain (CCM) et des ministères concernés (culture, finance) est essentiel pour faciliter les opérations dans l’industrie.
  • Renforcement des Commissions du Film: Il est vital de renforcer les commissions du film au Maroc pour leur permettre d’accomplir leur rôle et devoir, assurant ainsi le développement de l’industrie cinématographique marocaine

Gérard Flamme

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