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Mort à Venise

Mort à Venise

Non. Ici, ce n’est pas le titre du film génial de luciano Visconti sorti en 1971 et acclamé par la critique internationale. C’est juste le retrait scandaleux du Maroc, qui faisait partie des pays africains invités, annulant sa participation à la Biennale de Venise alors que celle-ci était sa première participation.

Rappelons-nous: Septembre 2023. Annonce du ministère de la Culture Marocain: « Cette participation renforcera la présence de l’Afrique sur la scène contemporaine artistique. La localisation du pavillon marocain à l’entrée de l’Arsenal, à proximité des pavillons permanents, était le fruit d’un repérage minutieux effectué par le Ministre de la Culture et ses équipes ».

Janvier 2024: Le ministère de la Cuture se désengage et annule le pavillon du Maroc à la Biennale de Venise et ce, sans explication. Ce récent événement impliquant le peintre et écrivain Mahi Binebine, qui a été déchargé de sa mission de commissariat du pavillon marocain à la 60e Biennale de Venise, soulève des questions et des préoccupations quant aux processus de sélection et de gestion culturelle au Maroc. Initialement perçu comme une opportunité exceptionnelle de mettre en valeur la créativité marocaine à l’échelle internationale, cet épisode a pris une tournure inattendue avec l’élimination de Mahi Binebine et des trois artistes qu’il avait sélectionnés pour représenter le Maroc à cet événement prestigieux.

Doit-on préciser en écho à cette décision que ce ne sont pas moins de 15 pays africains qui participeront à cette 60ème biennale.

Selon les déclarations de Mahi Binebine, cette décision communiquée de manière abrupte et sans justification claire, a pris tout le monde de court. Les artistes Safaa Erruas, Majida Khattari et Fatiha Zemmouri, qui avaient également été approuvés par le ministère marocain de la Culture pour participer à la Biennale, ont été tout aussi surpris et déçus par cette annulation soudaine. Les efforts déployés par ces artistes pour préparer leurs œuvres et représenter leur pays avec fierté ont été anéantis par cette décision inattendue, laissant un sentiment d’incompréhension et de frustration parmi la communauté artistique marocaine.

Le manque de transparence entourant les raisons de cette annulation et les explications vagues fournies par le ministère de la Culture laissent planer un doute sur les processus de sélection et les critères de décision en matière de représentation culturelle à l’étranger. Le fait que le projet de Mahi Binebine ait été qualifié d' »avant-projet sommaire » suscite des interrogations sur la manière dont les projets artistiques sont évalués et choisis pour représenter le Maroc dans des événements culturels internationaux de cette envergure.

La réaction des artistes, exprimant leur déception et leur sentiment d’injustice face à cette situation, met en lumière les défis auxquels sont confrontés les créateurs artistiques marocains dans un contexte où la reconnaissance et le soutien institutionnel sont essentiels pour promouvoir et valoriser leur travail. L’investissement financier et émotionnel consenti par ces artistes pour préparer leurs œuvres pour la Biennale, pour ensuite se voir privés de cette opportunité, souligne l’importance d’une gestion culturelle transparente et respectueuse des artistes et de leur contribution à la scène artistique nationale et internationale. Une des artistes impliquée dans l’élaboration de ce projet, qui a préféré rester anonyme (c’est dire le niveau de censure possible des autorités marocaines), a exprimé son désarroi face à ce qu’elle qualifie de « gâchis immense ». Selon ses dires, le ministère aurait dû les avertir plus tôt. Elle et deux autres artistes avaient consacré des mois entiers à se préparer pour la Biennale, ne se consacrant à rien d’autre, et se sentent désormais frustrées de ce temps perdu qui aurait pu être employé à d’autres projets plus fructueux.

Cette incompréhension est d’autant plus grande que le projet d’un pavillon marocain à la Biennale de Venise, une première dans l’histoire du pays, n’était même pas envisagé il y a quelques mois. Mahi Binebine, s’exprimant sur la situation, a souligné qu’il avait personnellement plaidé en faveur de ce pavillon dès avril 2023, convainquant le ministre de la Culture et recevant le soutien de l’ambassadeur d’Italie au Maroc dans cette démarche. Cette soudaine annulation a donc pris de court non seulement les artistes impliqués mais également ceux qui ont travaillé ardemment pour concrétiser ce projet novateur.

La participation du Maroc à la 60ème Biennale de Venise aurait été un événement artistique majeur qui met en lumière le talent et la créativité des artistes marocains.

Avec Mahi Binebine comme commissaire du pavillon, le Maroc avait choisi de présenter l’art contemporain marocain sous son meilleur jour en mettant en avant trois artistes exceptionnelles : Fatiha Zemmouri, Safaa Erruas et Majida Khattari.

Fatiha Zemmouri, à travers son travail artistique, explore les notions de construction, déconstruction, régénération et transformation. En utilisant des matériaux naturels tels que le bois, le charbon et la terre, ainsi que des éléments comme l’eau, la terre et le feu, elle crée des œuvres poétiques qui captivent l’attention par leur simplicité et leur profondeur.

Safaa Erruas, quant à elle, se distingue par son utilisation du blanc comme couleur principale dans ses œuvres. Cette couleur symbolique exprime pour elle l’absence, l’immatérialité, la transparence et la fragilité. En combinant des matériaux fins et tranchants tels que le tissu, le coton, le papier, les aiguilles et le verre, elle crée des œuvres délicates et puissantes qui invitent à la réflexion.

Majida Khattari, artiste pluridisciplinaire franco-marocaine, place le corps de la femme au cœur de sa démarche artistique. À travers la photographie, la performance, la peinture, l’installation et la vidéo, elle explore et révèle l’objectivation des corps féminins dans les sociétés contemporaines. Inspirée par les conditions féminines dans les sociétés arabes et les questions politiques et religieuses actuelles, elle crée des œuvres engagées et percutantes.

Le choix de ces trois artistes féminines mettait en avant leur excellence et leur contribution significative à l’art contemporain. Mahi Binebine soulignait l’importance de cette sélection en déclarant : « Elles font partie des meilleures artistes, et pour cette première participation, je voulais donner une image fidèle de notre pays. C’est un signal fort pour montrer que nous nous tournons vers la modernité.Cette participation du Maroc à la Biennale de Venise représente une opportunité unique de promouvoir le talent et l’art marocain à l’échelle internationale. C’est un moment de célébration de la créativité et de la diversité artistique marocaine, et une occasion de montrer au monde la richesse et la modernité de l’art contemporain marocain. Le pavillon marocain est prêt à briller et à inspirer les visiteurs de la Biennale de Venise par la beauté et la profondeur des œuvres présentées ». Ceci était dans un autre temps.

Cette situation soulève des questions sur la communication et la gestion des projets culturels au Maroc, mettant en lumière les défis auxquels sont confrontés les artistes et les acteurs culturels dans un contexte où les initiatives novatrices sont parfois compromises par des décisions inattendues. Il est essentiel que les instances gouvernementales et culturelles travaillent de concert avec la communauté artistique pour garantir une meilleure coordination et une compréhension mutuelle, afin de prévenir de telles déconvenues à l’avenir.

En fin de compte, cet épisode met en lumière les enjeux complexes liés à la représentation culturelle et à la promotion des artistes sur la scène internationale. Il soulève des questions sur la manière dont les décisions sont prises en matière de sélection artistique et met en évidence la nécessité d’une plus grande transparence et d’un dialogue ouvert entre les institutions culturelles et la communauté artistique. En tant que pays riche en talent et en créativité artistique, le Maroc mérite une représentation équitable et respectueuse de sa diversité culturelle et artistique dans les événements culturels mondiaux tels que la Biennale de Venise.

Cette situation souligne l’importance de la transparence, de la communication et de la planification rigoureuse dans la mise en œuvre de projets artistiques d’envergure. Il appelle à une réflexion collective sur les mécanismes de soutien et de promotion de la création artistique au Maroc, afin de préserver le dynamisme et la diversité du paysage culturel et artistique national.

A lire: https://www.luxe-infinity-afrique.com/category/culture/spectacle-cinema/

Informations pratiques: https://www.labiennale.org/en/art/2024/national-participations https://www.labiennale.org/en, https://www.labiennale.org/en/biennale-channel

Gérard Flamme

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