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Les amants de Casablanca 

Les amants de Casablanca 

Le romancier et jury du Prix Goncourt, Tahar Ben Jelloun, vient de publier « les amants de Casablanca ». Un roman qui, sur fond d’adultère, dévoile les rouages de la bourgeoisie dorée casablancaise.

Désormais traduit en 70 langues à travers 167 pays, l’homme qui peint la lumière du monde nous situe son nouveau roman.

Un mariage presque parfait peut-il résister à l’usure du temps et au poids de la famille et des traditions ? C’est autour de cette question que se construit la trame du nouveau roman de Tahar Ben Jelloun « Les amants de Casablanca », qui a été présenté à Rabat.

Lors d’une rencontre-débat organisée par le Book Club Le Matin, le romancier et poète franco-marocain a indiqué avoir voulu, à travers l’histoire de Nabil et Lamia, un couple bourgeois dont le mariage est au bord de l’implosion, critiquer l’ »énorme poids » de la famille et des apparences sociales qui condamne à l’échec bien d’unions qui auraient pourtant tout pour réussir.

« Les amants de Casablanca » (336 pages, Editions Gallimard, 2023) décrit comment la routine et la désillusion, couplées à l’ingérence de la famille, finissent par former un cocktail explosif qui fait éclater l’union de Lamia, une pharmacienne brillante et ambitieuse et Nabil, un médecin humaniste et engagé, un peu trop.

Déçue de voir son époux prendre soin de ses patients déshérités plus que de son couple, l’épouse désabusée vit en silence une traversée du désert qui la conduit vers le chemin sinueux de la trahison. Comment l’un et l’autre ont-ils pu laisser les choses se compromettre à ce point ? Tahar Ben Jelloun laisse à sa plume habile et à sa formation de psychologue le soin de décrire les états d’âme de Lamia et Nabil dans toute leur ambivalence et leur complexité, tout en se gardant de prendre parti pour l’un ou l’autre.

« Casa est une ville géante, crasseuse, belle et laide, une ville dure où les plus riches côtoient les plus pauvres. Elle dégage une énergie spéciale. On ne pas y rester les bras croisés à ne rien faire, d’où ce commerce informel un peu partout. C’est une ville où les frustrations sont criantes où les valeurs sont écrasées par l’arrogance du fric, de l’arrivisme et de la corruption. »

Dans les amants de Casablanca, c’est la première fois que la ville blanche sert de décor à part entière à l’un de ses romans, lui qui, en plus de cinquante ans d’écriture, a plutôt habitué ses lecteurs à Tanger et Fès, ses deux villes de prédilection.

Convoitée par les investisseurs, évitée par les touristes, délaissée par les autorités selon les locaux qui n’ont de cesse de réclamer, depuis des décennies une meilleure gestion.. Casablanca réunit en une même vitrine, le meilleur et le pire du Maroc contemprain… Cela constitue donc une mine d’or pour un romancier.

« Mon premier contact avec Casablanca remonte à l’année scolaire 1970/1971. Venu de Tanger pour y enseigner la philosophie… Les cours étaient constamment perturbés par les manifestations et les arrestations d’étudiants »

La ville vit alors dans un climat de tension inédit suite au coup d’état de Skhirat, marqué par des vagues d’arrestations, qui touchent les intellectuels comme les commerçants et ouvriers. Tahar part alors à Paris. Il revient quelques années après au Maroc et redécouvre Casablanca. Finies les années de plombs et les émeutes contre Hassan II, figure royale controversée par sa façon d’exercer le pouvoir de manière autocrate et sanguinaire.

Le projet de roman des « amants de Casablanca » prend plus précisément forme lors d’un séjour dans la capitale économique en mai 2022. « Je me retrouvais souvent dans des soirées mondaines, généralement bien arrosées. C’est là que j’ai découvert un Casablanca que je ne connaissais pas.»

« Ce Casabalnca est assez extraordinaire. C’est celui du fric, du pouvoir et du mépris. Les gens qui ont de l’argent et de l’influence aiment le montrer, et n’hésitent pas à exprimer leur arrogance vis-à-vis de ceux qui n’en ont pas ».

L’histoire

Lui s’appelle Nabile, elle, Lamia. Lui est d’origine modeste, médecin pédiatre, humaniste, engagé, intellectuel, très amoureux de sa femme, et aussi de littérature et de cinéma, deux passions qu’il essaie de transmettre à son épouse. Il faut dire qu’elle, c’est un peu l’opposé: femme libérée marocaine, élevée dans un cocon aisé, elle est pharmacienne et entrepreneuse, dirige une usine de médicaments, et ensemble, ils ont deux enfants.

Comme dans un film – Tahar Ben Jelloun s’est beaucoup inspiré de Scènes de la vie conjugale, le film d’Ingmar Bergman – le récit alterne de l’un à l’autre, du champ au contrechamp, selon les années passées et le ressentit de chacun. Le romancier explique pourquoi il a choisi de zoomer sur ce couple en particulier. 

« C’est une histoire d’amour, et dans toute histoire d’amour, il y a de la trahison, ça va ensemble, et la trahison ne va pas venir de là où on l’attend. Et surtout, j’ai voulu rendre hommage à la femme marocaine, moderne, nouvelle, qui se bat, qui prend le pouvoir, qui ne se laisse plus faire. Évidemment, le pouvoir économique aide beaucoup, et il y a une volonté de vivre sa vie comme elle l’entend, y compris dans la trahison. »

Tahar Ben Jelloun nous raconte cette histoire d’amour contemporaine, ancrée dans un pays où les jeunes, en particulier les femmes, doivent concilier vie moderne et traditions, et vivre « entre deux mondes ».

Pour ce nouveau roman Les amants de Casablanca, Tahar Ben Jelloun a choisi d’y associer les musiques qu’il aime.

« Il y a une musique de jazz qui me revient tout le temps, qui est  »Summertime » qui est tout le temps dans ma tête, et qui va, qui vient. Il y a  »Night in Tunisia » de Charlie Parker et John Coltrane. Ce sont des musiques que j’écoute tout le temps, qui me guident, parce que dans le jazz, il y a de l’improvisation. Et moi, le matin, quand je commence à écrire, je ne sais pas ce que je vais écrire. »

« La modernité c’est d’abord une question de valeurs fondamentales. C’est reconnaitre tout un chacun comme un individu. A partir du moment ou une ejeune femme marocaine est refusée à la porte d’un hôtel mais qu’elle est acceptée dès qu’elle est accompagnée de son mari, on ne peut pas parler de modernité. C’est aussi la base de la démocratie : la reconnaissance de chaque individu, non pas en tant qu’homme ou femme rattaché à un collectif, mais en tant que citoyen libre et pensant. 

Tahar Ben Jelloun 

Romancier, poète et peintre, membre de l’Académie Goncourt et lauréat du prix Goncourt en 1987 pour « La nuit sacrée », Tahar Ben Jelloun est l’auteur de nombreux romans parus aux Éditions Gallimard, dont « Le miel et l’amertume », « La punition », ou encore « Le mariage de plaisir ».

Les œuvres littéraires et artistiques du natif de Fès en 1944 sont appréciées dans le monde entier. Tahar Ben Jelloun est connu pour ses nombreux romans et essais pédagogiques, dont « Le racisme expliqué à ma fille », traduit dans plus de 25 langues, et son ouvrage “Le miel et l’amertume » (2021), édité par La Nave di Teseo.

Pour information

« Les amants de Casablanca » (336 pages, Editions Gallimard, 2023) – 175 dirhams

https://mylibrairie.ma/fr/accueil/21427-les-amants-de-casablanca-de-tahar-ben-jelloun.html

https://qitab.ma/fr/amants–casablanca

Gérard Flamme

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