Le long-métrage de Maryam Touzani, qui aborde le sujet de l’homosexualité, a passé le cap des 500 000 entrées dans le monde. Ce qui en fait le plus gros succès du cinéma marocain à l’étranger.
Souvenez vous. Nous en parlions ici-même il y a un an. – https://luxe-infinity-maroc.com/culture/le-bleu-du-caftan-prime-au-festival-de-cannes/.
Depuis sa présentation en avant-première dans la sélection officielle « Un certain regard » à Cannes en 2022, Le Bleu du caftan, film réalisé par Maryam Touzani, connaît un succès exceptionnel, au Maroc et, surtout, à l’étranger. Les chiffres fournis par le magazine professionnel Le Film français, ce long-métrage produit par Nabil Ayouch – l’époux de la réalisatrice – a attiré seulement 6 000 spectateurs dans les 12 salles marocaines (Megarama distribution). MAIS…
C’est son deuxième long-métrage qui rappelons le raconte l’histoire de Halim et Mina, un couple soudé et sans histoires, mais qui vit avec un pesant secret : l’homosexualité de l’époux. Le film, candidat du Maroc aux Oscars, a été retenu parmi les 15 longs-métrages présélectionnés dans la catégorie « Meilleur film étranger » de la prestigieuse compétition américaine.
Un choix audacieux: Le pitch
C’est dans la médina de Salé, ville voisine de la capitale Rabat, que la vie de Mina et Halim – campés par l’actrice belge Lubna Azabal et l’acteur palestinien Saleh Bakri – bascule avec l’arrivée d’un jeune apprenti dans leur atelier de confection de caftans (robes traditionnelles marocaines). Le rapprochement entre Youssef (interprété par l’acteur marocain Ayoub Missioui) et son maître tailleur les embarque, avec Mina, dans une expérience de l’amour nouvelle et plurielle.
« C’est un énorme honneur de pouvoir représenter le Maroc et de porter les couleurs du pays à ce stade de la compétition », a déclaré Maryam Touzani. « Le fait que mon film représente le Maroc est une avancée. La symbolique est belle et forte. Cela traduit un désir d’ouverture et de dialogue », estime la réalisatrice.
Cette avancée est illustrée selon elle par le fait que son film a été désigné par une commission officielle, composée de professionnels du cinéma, pour représenter le Maroc aux Oscars. Un choix audacieux dans un pays où l’homosexualité, passible de six mois à trois ans de prison selon le code pénal, est sujet largement taboue qui divise l’opinion publique.
Mais une ombre est au tableau : le Centre cinématographique marocain, gardien de la morale
En effet le CCM issu de l’époque tutélaire de la France n’a jamais cessé de censurer tout projet qui lui semblait subversif. Ainsi « Une minute de soleil en moins (2003), Exodus (2014), Much Loved (2015), Lui (2021), La Dame du paradis (2022″) et l’un des derniers en date « Zankat Contact », couronné au Festival national du film de Tanger en 2022, ce qui a valu de plus à son auteur/réalisateur Ismaël El Iraki de voir sa carte professionnelle suspendue. En cause pour ce dernier, la présence dans sa bande son d’un morceau de la chanteuse sahraouie pro-Polisario Mariem Hassan, décédée en 2015. Ironie de l’histoire, en septembre 2020, l’actrice principale de son film, Khansa Batma, recevait le prix d’interprétation féminine dans la catégorie Orizzonti de la 77e Mostra de Venise.…
Toutes ces créations cinématographiques nationales ou étrangères censurées par le CCM ont été accusées soit d’offense aux mœurs, soit d’atteinte à l’un des trois symboles sacrés du Maroc : l’islam, la personne du roi et l’intégrité territoriale.
Et c’est donc pratiquement « un miracle » si ce film a réussi à passer toutes les barrières de l’administration marocaine inquisitrice.
C’est en France qu’il cumule le plus d’entrées (214 000). Son succès va néanmoins bien au-delà, avec 58 000 spectateurs aux Pays-Bas, 37 000 en Italie, 35 000 en Espagne, 24 000 au Japon, 21 000 en Belgique, 17 000 en Grèce, 16 000 en Suisse, 15 000 en Allemagne et au Danemark, 13 000 en Australie. En tout, le film a été vendu dans 30 territoires et projeté dans 1 300 salles.
De nombreux prix
Ces scores qui lui permettent de passer le cap des 500 000 entrées placent « Le Bleu du caftan » en tête des films « marocains » les plus regardés dans le monde, devant Much Loved (339 000) et Razzia (252 000) de Nabil Ayouch – ainsi que devant Adam (239 000), également réalisé par Maryam Touzani.
Ce succès est aussi de toute beauté puisque le long-métrage a reçu 45 distinctions différentes : prix Fipresci à Cannes et sélectionné parmi les 15 meilleurs films internationaux pour les Oscars. Il a reçu, entre autres, le prix du Jury du Festival international du film de Marrakech, le prix du meilleur réalisateur et le prix de la meilleure actrice au Festival de Seattle, ou encore le prix du meilleur film international au festival de Göteborg.
Porté par les interprétations de Lubna Azabal, Saleh Bakri et Ayoub Missioui, l’œuvre n’est néanmoins pas une production 100 % marocaine (ce qui est de toute façon rare dans tous les pays): elle est à 34,27 % française (Les films du nouveau monde), à 28,99 % marocaine (Ali n’production), à 23,4 % belge (Velvet films) et à 13,35 % danoise (Snowglobe).
ALors berçons nous de toutes ces oeuvres originales du Maroc ou d’ailleurs. Elles nous ouvrent un espace de liberté.
Gérard Flamme