Yves Saint Laurent en six instants
1/ Le défilé 2023 d’Anthony Vaccarello 2/ L’exposition 2022 au Portugal, 3/ Tami Tazi créatrice de mode, amie d’YSL revisite le caftan 4/ Six musées pour les 60 ans du premier défilé 5/ La maison natale rénovée à Oran (Algérie), 6/ Le musée Yves Saint Laurent Marrakech
Le défilé 2023 d’Anthony Vaccarello
Yves Saint Laurent: On ne présente pas le grand couturier Yves Saint Laurent. On nomme simplement YSL. Pierre (Bergé) et Yves (Saint Laurent) s’étaient installés à Marrakech. A partir du moment où Yves Saint Laurent a découvert Marrakech en 1966, la ville est devenue le refuge intime du créateur, où il jouissait d’un rythme de vie plus calme et plus facile contrairement à son horaire de travail parisien chargé.
De ce nouvel amour est né une multitude de créations qui aujourd’hui toujours est présenté dans le monde entier.
Tout d’abord, célébrons le défilé 2023 qui s’est déroulé le 15 juillet dernier dans le désert d’Agafay à une cinquantaine de kilomètres de Marrakech (Maroc).
C’est donc au cœur de ce désert, décor aride comme il l’avait fait en décembre 2020 pour présenter sa collection femme printemps-été 2021 dans les dunes marocaines qu’Anthony Vaccarello, le styliste de la maison YSL* a choisi de présenter sa collection homme printemps-été 2023. Un défilé qui rend hommage à l’histoire personnelle d’Yves Saint Laurent avec le Maroc, grande source d’inspiration pour le créateur dans lequel il avait installé une propriété dès le milieu des années 60.
En 2017, la ville a d’ailleurs inauguré en même temps qu’à Paris un musée en son honneur, imaginé par les architectes du Studio KO.
Flash-back : Quelques semaines après la clôture de la Fashion Week homme à Paris, Saint Laurent continue d’investir des lieux exceptionnels pour présenter ses collections, hors du calendrier traditionnel. Il y a un an, la maison parisienne choisissait Venise pour dévoiler son défilé homme printemps-été 2022 sur l’île de La Certosa, située au milieu de la lagune de la Sérénissime, dans une installation spécialement conçue pour l’occasion par l’artiste américain Doug Aitken.
Aussi, la signification personnelle éminente de Marrakech pour le fondateur de la maison est la toile de fond évocatrice pour Anthony Vaccarello.
Une collection homme printemps-été 2023 résolument tournée vers l’avenir. Si jamais il y avait une ligne entre ce que constitue une garde-robe « masculine » et ce qui rend les vêtements « féminins », il se dissout ici avec élégance.
Le décor du spectacle rend hommage à la beauté majestueuse du Maroc : inspiré du roman de Paul Bowles de 1949 The Sheltering Sky, Vaccarello, en collaboration avec l’artiste et scénographe londonien Es Devlin, a conçu un décor impressionnant au milieu du désert d’Agafay – une oasis lumineuse en forme d’anneau au milieu de l’inconnu vaste et aride. Espoir et mystère juxtaposés une métaphore de la fascinante complexité de la vie, autour de laquelle cinquante modèles se sont renouvelés pour dévoiler le nouveau vestiaire masculin de la maison..
Dans les mots intemporels de Bowles :
« Nous considérons la vie comme un puits inépuisable. Pourtant, tout arrive un certain nombre de fois, et un très petit nombre, vraiment. Combien de fois vous souviendrez-vous encore d’un certain après-midi de votre enfance, un après-midi qui fait si profondément partie de votre être que vous ne pouvez même pas concevoir votre vie sans lui ? Peut-être quatre ou cinq fois plus. Peut-être même pas. Comment de nombreuses fois regarderez-vous la pleine lune se lever ? Peut-être vingt. Et pourtant, tout semble illimité. »
Pour revenir à ce défilé, cette fois-ci… Le smoking, peut-être l’élément le plus séminal du vocabulaire Saint Laurent, est une fois de plus réinterprété, raffiné et imprégné de possibilité, une continuation des variations explorées par Vaccarello dans la collection Automne Hiver 2022 de la marque pour femme. Des choix passionnants englobent de nouvelles solutions de cols et d’épaules, des options à simple et double boutonnage, ainsi que une itération crème débonnaire mais moderne du smoking en faille de soie légère.
Une taille haute prédominante et une jambe large créent une forme allongée parfois interrompue par des accents étroits ou carrés.
Les démarches sont globalement plus détendues, reflétant une douceur de vivre typique de Marrakech. Les pièces extérieures sont plus lâches, fluides, moins construit : les manteaux de satin froncés enveloppent le corps presque jusqu’au sol tandis que les vestes tailleur ont une netteté graphique.
Grain de poudre, un tissu de laine finement tactile avec une longue association à la maison – Yves Saint Laurent adorait l’utiliser – rend une forte représentation, récurrente dans plusieurs looks.
Cette saison encore, le costume, vêtement phare de la saga Saint Laurent nombre de fois réinterprété par son fondateur et ses successeurs, est au centre de la collection. les blazers et manteaux aux épaules marquées définissent une silhouette d’apparence rigide, Pour autant leurs cols tailleur plongeants et leurs matières fluides apportent une grande aisance et légèreté aux ensembles qui contraste avec leur structure. La légèreté des silhouettes s’interprète singulièrement dans les pantalons taille haute, longs et flottants qui définissent l’allure avec grâce, dans les chemises en soie gonflées par les bourrasques, dans les hauts transparents quelquefois enveloppés autour du torse et les foulards attachés finement autour du cou, jusqu’aux ravissantes sandales en cuir dans lesquelles les mannequins parcourent le sable du Sahara.
Plusieurs ensembles satinés qui comportent des vestes longues ceinturées autour de la taille et des pantalons amples, jouent sur l’équivoque entre des vêtements domestiques tels que la robe de chambre ou le pyjama, et le vêtement de soirée, d’une flamboyance discrète par ses matières brillantes.
Au milieu de ces combinaisons qui se décomposent dans des couleurs sobres et telluriques, où le noir Saint Laurent prévaut et s’éclaircit parfois de nuances de blancs, greige, ocre et sable, Anthony Vaccarello propose plusieurs pièces phares à l’instar de longs manteaux en fourrure, de trenchs fins et ajustés et de manteaux courts très structurés, comme le seul modèle violet de cette collection, qui marque par son volume et sa taille très marquée par une épaisse ceinture.
De nombreuses personnalités sont venus au rendez-vous.
Kering a mis de gros moyens pour l’organisation de ce défilé dans une région désertique. Construction d’une route de 6 kilomètres, érection des infrastructures hors normes (plusieurs bâtiments de 35 mètres de haut, un bâtiment régie technique, un salon VIP, tous recouverts de panneaux miroirs), construction d’une piscine remplie avec près de 500 m³ d’eau, pour accueillir le catwalk, réalisation d’un anneau monumental et lumineux de 12 tonnes.
Ecologie
Kering assure avoir organisé ce show hors norme dans le strict respect de « la stratégie développement durable pour 2025 » du groupe. Selon Kering, les émissions de gaz à effet de serre ont été calculées et sont compensées par des projets de préservation des forêts ; l’équipement créé spécialement pour le défilé pourra être loué, réutilisé, recyclé ou donné à des associations locales ; l’eau de l’oasis (non potable) est destinée à irriguer les oliviers de la région d’Agafay.
Gérard Flamme
