Albert Oiknine et Artsi Ifrach ont représenté la création marocaine, lors de la Mercredes-Benz Fashion Week de Madrid (Espagne), tenue du 15 au 19 février 2023.
Connu pour ses caftans à l’international, Albert Oiknine, grand nom de la mode traditionnelle marocaine, a présenté une collection de caftans estivale, de robes orientales et de gandouras et est resté fidèle à son style imparable qu’on lui connait et qui fait sa renommée auprès des maisons royales au Moyen Orient mais aussi des stars du monde entier. Présentant des pièces qui allient élégance, modernité et tradition, Albert Oiknine a su trouver une certaine harmonie entre l’essence artisanale du caftan marocain et les influences internationales qui permettent à cet habit de se réinventer. Dans cet entretien, il revient sur sa participation à l’évènement.
Parlez-nous de votre participation dans le cadre de la Fashion Week de Madrid ?
Artsi Ifrach et moi-même avons été les deux créateurs marocains à participer à la Mercredes-Benz Fashion Week de Madrid, le 18 février 2023, invités par l’Office national marocain du tourisme (ONMT) en Espagne. Le caftan existant dans un certain nombre de pays prend une dimension nouvelle au Maroc. Il fait parti de notre univers culturel depuis très longtemps et aujourd’hui un certain nombre créateurs imagine ce vêtement autrement. C’est une bonne chose de mon point de vue d’allier la tradition en la modernité. Et J’ai été honoré d’avoir eu cette occasion pour mettre en avant ce vêtement à travers mon défilé. Le caftan appartient à plusieurs cultures dont le Maroc. C’est notre savoir-faire ancien et collectif qui est mis en avant, c’est notre créativité à tous.
Je suis content que nous ayons pu faire parler de notre pays à travers la mode, qui est un outil de médiation et de représentation de notre savoir-vivre. La femme marocaine s’habille avec élégance, mêlant le moderne au traditionnel. C’est une femme de caractère et ce sont toutes ces représentations-là que nous souhaitons refléter, à travers un habit auquel nous nous identifions tous.
Parlez nous du défilé que vous avez présenté à Madrid ?
J’ai présenté une série de gandouras fluides, qui se portent aujourd’hui par la clientèle internationale mais aussi au Maroc, notamment lors des réceptions ou des cocktails. En deuxième partie, j’ai montré des caftans classiques, modernes, sobres et élégants à la fois.
La troisième partie a été consacrée à une série de robes de soirée, avec des touches artisanales, des ceintures et des coupes rappelant celles utilisées comme base pour les caftans marocains. En étape finale, nous avons montré des robes de mariées, inspirées de caftans modernisés, avec des touches orientales ou européennes, des lignes volumineuses, droites, fluides ou enrichies, signées par le travail artisanal du mâalem.
Les réactions ont été prometteuses ?
Oui, très positifs. Beaucoup nous ont dit avoir été extrêmement impressionnés et joyeusement surpris. Certaines personnes s’attendaient à un défilé entièrement «beldi», dans la lignée des démonstrations les plus classiques du caftan marocain, mais la qualité du travail et de la créativité que nous avons mise en avant était bien différente.
En mêlant harmonieusement diverses techniques anciennes et modernes, nous avons pensé raconter une histoire de cet habit qui a su traverser les siècles et les territoires. Nous avons employé des couleurs « tendances », tout en nous inscrivant dans la mode du futur car nous suivons la mode internationale.
Pensez-vous justement que le caftan permet de faire connaître le savoir-faire de plusieurs métiers d’art qu’on retrouve dans la mode contemporaine ?
Participer à des évènements internationaux de cette envergure nous permet à nous créateur de montrer notre savoir-faire. Aujourd’hui, le caftan ne se porte plus uniquement au Maroc ou dans les territoires historiques. Nous le retrouvons partout dans le monde. Nous avons su développer notre mode, notre savoir-faire, notre artisanat. Le caftan est d’abord un habillement ethnique propre à plusieurs pays dont le Maroc. Il est en quelque sorte une partie de notre identité. Et nous avons réussi à lui faire traverser toutes les frontières grâce à notre vision de la mode que nous voulons faire correspondre aux femmes du Maroc, mais aussi de tous les autres pays, en Europe, dans le Moyen-Orient, en Amérique, en Asie…
Nous avons un héritage très riche, avec plusieurs influences andalouses, amazighes, sépharades, arabo-mauresques, sahraouies, africaines… C’est ce qui nous permet aussi d’être constamment dans une forme de travail de recherche, afin de trouver le bon équilibre entre la technique et la matière sur laquelle nous choisissons de broder. Nous portons en nous cet éclectisme et nous le transmettons à travers cet habit qu’est le caftan devenu international et prisé partout.
Un dossier de classement a été déposé auprès de l’UNESCO. Que pensez-vous de cette initiative ?
Au Maroc, j’ai fait partie des créateurs qui ont été contactés par les ministères de la Culture, du tourisme et de l’artisanat, pour la signature d’une pétition initiée par les artisans. Nous avons été signataires et c’est de notre devoir d’accompagner le dépôt de ce dossier à l’Unesco. Je pense que ce dernier a toutes ses chances d’être accepté. Il représente le parcours historique d’un élément qui est à la fois ancré dans nos traditions et omniprésent dans la mode contemporaine mondiale.
Gérard Flamme
Avec l’aimable autorisation de Ph. IFERMA pour les photos