En ce début d’année, nous avons fait une sélection de livres qui vous apporteront quelques moments de bonheur.
Houris de Kamel Daoud
« Je suis la véritable trace, le plus solide des indices attestant de tout ce que nous avons vécu en dix ans en Algérie. Je cache l’histoire d’une guerre entière, inscrite sur ma peau depuis que je suis enfant ».

Aube est une jeune Algérienne qui doit se souvenir de la guerre d’indépendance, qu’elle n’a pas vécue, et oublier la guerre civile des années 1990, qu’elle a elle-même traversée. Sa tragédie est marquée sur son corps : une cicatrice au cou et des cordes vocales détruites. Muette, elle rêve de retrouver sa voix.
Son histoire, elle ne peut la raconter qu’à la fille qu’elle porte dans son ventre. Mais a-t-elle le droit de garder cette enfant ? Peut-on donner la vie quand on vous l’a presque arrachée ? Dans un pays qui a voté des lois pour punir quiconque évoque la guerre civile, Aube décide de se rendre dans son village natal, où tout a débuté, et où les morts lui répondront peut-être.
Coffret Mohammed Khaïr-Eddine
Mohammed Khaïr-Eddine, écrivain marocain subversif et inclassable, a dédié sa plume à la dénonciation des maux du monde. Sa littérature, imprégnée de la violence de son existence et de l’amertume de son expérience d’immigré en France, raconte l’aridité de ses terres natales et la dure réalité des opprimés.

Ce coffret de sept romans, né d’une collaboration entre l’Académie du royaume du Maroc, le CCME et les éditions Le Fennec, ne se contente pas de rééditer les œuvres de Mohammed Khaïr-Eddine, mort le 18 novembre 1995 à Rabat : il réhabilite la mémoire d’un auteur pour qui chaque mot était une arme, qui défiait le langage commun pour réinventer la langue.
Le fou du roi de Mahi Binebine
“Je suis né dans une famille shakespearienne, entre un père courtisan du roi et un frère banni dans une geôle du sud. Un conteur d’histoires sait que le pouvoir est d’un côté de la porte, et la liberté de l’autre. Car pour rester au service de Sa Majesté, mon père a renoncé à sa femme et ses enfants.

Il a abandonné mon frère à ses fantômes. Quelles sont les raisons du “fou” et celles du père ? Destin terriblement solitaire, esclavage consenti… Mon père avait un étrange goût de la vie. Cela fait des années que je cherche à le raconter. Cette histoire, je vous la soumets, elle a la fantaisie du conte lointain et la gravité d’un drame humain.” Dans Le fou du roi, Mahi Binebine se glisse dans la peau de son père et devient le narrateur d’une histoire hors du commun. Mohammed est un conteur dont les atouts sont une mémoire extraordinaire et un sens de la répartie sans pareil, – des outils qu’il aiguise pour amuser le monarque. Mahi Binebine immerge le lecteur, à coup d’anecdotes savoureuses ou édifiantes, dans la cour de Hassan II. De la médina de Marrakech aux alcôves du pouvoir, le fou du roi aura tout vu, tout gagné et tout perdu.
Le sultan Moulay Hassan : une politique au défi de l’Occident
Ecrit par Farid Bahri, cet ouvrage constitue une analyse éclairante du règne de Moulay Hassan Ier, qui gouverna le Maroc de 1873 à 1894.


Cette époque est caractérisée par des tensions exacerbées avec les puissances occidentales, un contexte dans lequel le sultan doit montrer une résilience remarquable pour maintenir la souveraineté de son pays.
À son accession au trône, Moulay Hassan hérite d’un royaume à la fois riche en culture et en histoire, mais affaibli par des défaites militaires antérieures, notamment face aux Français et aux Espagnols. Bahri souligne que le sultan se trouve dans une position délicate, confronté à l’ingérence croissante des puissances coloniales, notamment après l’occupation de la Tunisie par la France. Ce défi est d’autant plus significatif dans un environnement où le Maroc est perçu comme une proie lucrative pour les ambitions impérialistes européennes.
Le livre révèle la détermination de Moulay Hassan à préserver l’intégrité et la souveraineté du Maroc face à ces pressions extérieures. Farid Bahri examine les diverses stratégies déployées par le sultan, incluant des réformes administratives et militaires. Ces initiatives visent non seulement à moderniser l’État marocain mais aussi à renforcer son pouvoir face aux rivalités internes et aux altérations des rapports de force internationales.
En conclusion, l’œuvre de Bahri offre une réflexion pertinente sur la manière dont Moulay Hassan Ier a navigué dans les tumultes de son époque. Son leadership, sa vision et ses efforts de modernisation illustrent une volonté indéfectible de défendre le Maroc contre les assauts de l’Occident, couplant ainsi tradition et modernité dans un contexte de changement radical. Le sultan émerge ainsi, non seulement comme un monarque, mais comme un symbole de résistance face à l’impérialisme.
25 ans dans les geôles de Tindouf : Mémoires d’un prisonnier de guerre par Ali Najab
Dans son ouvrage poignant, Ali Najab s’emploie à relater deux décennies et demie de souffrances endurées en tant que prisonnier de guerre. À travers une narration empreinte d’émotion et de douleur, l’auteur dépeint les atrocités vécues dans les geôles de Tindouf, un lieu emblématique de la souffrance humaine.

Plus de 9125 jours marqués par la torture, l’humiliation et l’angoisse se succèdent sous le joug du Polisario, tandis que les officiers algériens, figures de l’autorité militaire, restent impassibles face aux violations des droits fondamentaux. Ali Najab considère son livre comme un hommage collectif aux 2400 prisonniers de guerre marocains, partageant les récits déchirants de ceux qui ont connu un calvaire inaudible pour le monde extérieur. Son témoignage se veut une voix pour ces hommes, dont l’expérience est souvent minimisée ou ignorée par les instances internationales et les organisations de défense des droits de l’homme. En relatant ces faits, Najab ne cherche pas seulement à dénoncer les injustices, mais également à restaurer la dignité de ses compagnons d’infortune. Ce livre est avant tout un acte de mémoire et de reconnaissance, d’une importance capitale pour ceux qui ont lutté pour la restitution des provinces du Sud. En se faisant l’écho de ceux qui ont sacrifié leur vie pour cette cause, Ali Najab invite chaque lecteur à réfléchir sur la valeur de la liberté et à prendre conscience des réalités tragiques qui se dissimulent derrière les silence des géopolitique contemporaine. En somme, son œuvre transcende le cadre personnel pour devenir un plaidoyer universel en faveur des droits humains.
Sahara 1958 : Opération Écouvillon-Teide de Rahal Boubrik**
L’ouvrage « Sahara 1958. Opération Écouvillon-Teide » de Rahal Boubrik est une analyse poignante d’un épisode méconnu mais crucial de l’histoire coloniale en Afrique, matérialisé par l’offensive militaire conjointe des armées espagnole et française entre le 10 et le 24 février 1958.

Ce raid au Sahara marocain, alors sous domination espagnole, soulève des questions fondamentales sur la violence coloniale et ses conséquences sur les populations locales.
En s’appuyant sur des archives historiques, Boubrik révèle l’ampleur de cette opération, souvent oubliée dans les récits dominants du colonialisme. Ce travail de recherche minutieux permet non seulement d’éclairer les atrocités commises durant ces deux semaines, mais également de comprendre les implications politiques qui en découlèrent. L’engagement des forces coloniales, dans un contexte de tensions anticolonialistes croissantes, illustre les méthodes brutales utilisées pour maintenir le contrôle sur les territoires occupés.
Au-delà de la simple narrativité des événements, Boubrik se penche également sur les résistances locales. Les populations sahariennes, souvent invisibilisées dans les discours historiques, ont fait preuve d’une résilience remarquable face à l’oppression coloniale. Cette résistance, bien que réprimée, a laissé une empreinte indélébile dans la mémoire collective et a contribué à façonner le mouvement pour l’indépendance marocaine.
En conclusion, « Sahara 1958. Opération Écouvillon-Teide » offre une perspective essentielle sur une période charnière du passé marocain. Rahal Boubrik parvient à éclairer les zones d’ombre de l’histoire coloniale tout en rendant hommage à la mémoire des résistants sahariens. Cet ouvrage constitue donc une contribution significative à la compréhension des conséquences durables de lColonialisme et de l’édification des identités nationales en Afrique.
Bonne lecture.
Gérard Flamme