Casablanca a inauguré samedi 18 novembre un nouvel espace culturel : l’église du Sacré-Cœur, emblème architectural chrétien du 20ème siècle.
A l’initiative du Ministère de la Culture représentée par le Ministre de la Culture Ben Said, la cérémonie d’inauguration s’est déroulée en présence de M. Wali Mhidia, le Président de la région de Ma’azuz, la Maire de Casablanca Mme Rmili;, le directeur général de Casa Events Juali, les gouverneurs et autorités, plusieurs publics et organisations privées, tourisme, affaires, célébrités culturelles.
La présence du nouveau Wali à Casablanca-Settat a donné encore plus de solennité et d’enthousiasme à ce moment parce que sa réputation garantit à elle seule son sérieux dans la conduite des grands projets de la métropole.
La soirée d’ouverture a été l’occasion de proposer aux invités divers concerts, chorales… symbolisant les valeurs de coexistence, de tolérance et d’échanges interculturels et cultuels prônées par le pays. Cette nouvelle infrastructure culturelle promet de redonner un nouveau souffle à la métropole et de permettre (enfin ?) son rayonnement culturel national et international.
L’inauguration a été marquée par la signature de trois conventions visant à promouvoir les activités culturelles et artistiques à Casablanca. La première convention signée entre le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication et la Ville de Casablanca porte sur l’organisation d’événements culturels et la préservation du patrimoine architectural de la ville.
La deuxième inclut également Casablanca Events & Animation, qui a pour objectif de coordonner et de gérer des événements culturels et sportifs destinés à promouvoir les attractions de la ville.
La troisième accorde à Casablanca Events la gestion, l’animation et l’entretien du site du Sacré-Cœur, contribuant ainsi au développement culturel de Casablanca.
Lors de l’événement, monsieur le Ministre Bensaid a souligné l’importance de placer Casablanca au cœur du rayonnement artistique et culturel, créant ainsi des opportunités pour le développement et l’emploi. Il a également souligné l’engagement en faveur d’une industrie culturelle nationale forte et s’est félicité des importants projets mis en œuvre ou en cours dans la ville blanche.
La maire de Casablanca, Nabila Rmili, a souligné les efforts conjoints déployés depuis huit ans pour restaurer l’église du Sacré-Cœur. En outre elle a souligné l’importance de préserver le patrimoine architectural de la ville. L’inauguration de ce monument emblématique marque une étape décisive dans le renforcement du projet culturel de Casablanca. Il est important de souligner que depuis 2016, ce nouvel espace culturel continue de porter le nom de « Cathédrale du Sacré-Cœur »,malgré le fait que cette église n’a jamais été une cathédrale et même s’il n’a plus de connotations religieuses. Et c’est une dénomination intéressante qui pourrait être préservé pour un endroit culturel de cette importance.
Interview d’Abderrahim Kassou, architecte chargé de la restauration et de la reconversion de l’Église du Sacré-Cœur et acteur de la société civile
Pouvez-vous nous parler de l’Église du Sacré-Cœur, de son histoire, de sa valeur architecturale et de sa place à Casablanca… ?
« Créée par l’architecte Paul Tournon, l’Église du Sacré-Cœur a été construite en 1930 sous le protectorat de la France. Et c’est le maréchal Lyauté en responsabilité de ce protectorat pendant plusieurs années qui en a été l’inspirateur. Elle a été construite en deux phases, la première en 1930 et la seconde en 1950, mais elle a fonctionné comme église dès la première phase. Le bâtiment principal est d’une longueur de 75 m, d’une largeur de 35 m et d’une hauteur de 30 m environ à l’intérieur. C’est aujourd’hui l’une des plus importantes et plus belles églises patrimoniales du pays. Cédée à la ville de Casablanca il y a 20 ans et désacralisée depuis, elle accueille diverses accueille diverses expositions ainsi que des événements artistiques et culturels.»
« À côté de l’église a été construit le presbytère, un petit bâtiment avec un patio central et un jardin de méditation. L’église a abrité le culte jusqu’aux années 60. Ensuite le monument a été cédé à la ville de Casablanca. Il a servi d’annexe à la faculté de droit dans les années 1980, puis d’espace pour des activités culturelles dans les années 2000. »
Pouvez-vous nous donner plus de détails sur cette opération ?
« « Il fallait ouvrir l’espace et en faire un équipement culturel à la hauteur des attentes des Casablancais . L’objectif du projet auquel nous avons eu l’honneur de participer est multiple. Tout d’abord, restaurer un édifice historique inscrit sur la liste du patrimoine national depuis 2003, mais qui n’avait jamais été restauré de manière complète depuis sa construction. Ensuite, après différentes consultations avec des acteurs culturels et des artistes, il s’agissait de prévoir des aménagements permettant un usage de l’espace adapté à plusieurs types d’expressions artistiques tout en préservant au maximum le bâtiment. Enfin, il fallait ouvrir l’espace et en faire un équipement culturel à la hauteur des attentes des Casablancais. Le travail a été réalisé par une équipe diversifiée en concertation avec Casablanca Patrimoine, porteur du projet, avec l’accompagnement du Ministère de la Culture, et avec l’appui de la Mairie d’Amsterdam dans le cadre du jumelage entre les deux villes. »
Combien de temps a duré ce travail et quels corps de métiers ont été impliqués ?
« Il a fallu plus de 25 ans pour construire l’église, qui occupe une superficie d’environ un hectare. Son concepteur avait l’intention de créer un chef-d’œuvre architectural capable de rivaliser avec ses homologues du monde entier. Il a donc utilisé divers styles architecturaux, dont le gothique, l’art déco et l’arabo-andalou, que l’on retrouve dans les arches, les mosaïques, les couleurs extérieures et le mélange ciment-pierre. Fondée il y a environ un siècle, l’église du Sacré-Cœur est l’un des sites les plus remarquables de la ville de Casablanca. Elle a conservé son importance même après le départ de la France et sa fermeture en 1956.
Après plusieurs années d’études, les travaux ont été lancés en 2016 et ont été réalisés en plusieurs phases. La première phase a consisté en la restauration de l’édifice existant, qui était en mauvais état. La structure verticale et les voutes sont en béton armé et les murs en pierres appareillées. La seconde phase a consisté en la construction de nouveaux espaces intérieurs pouvant accueillir des fonctions supplémentaires comme des salles de séminaire et d’ateliers, des espaces de rencontre, un centre d’interprétation du patrimoine dédié à la mémoire du lieu ainsi qu’un certain nombre de fonctions support. Ensuite, les travaux d’aménagement des espaces intérieurs ont été menés, notamment les travaux de correction acoustique pour réduire la réverbération, la restauration des éléments architectoniques et de la menuiserie ainsi que les travaux des lots techniques. Enfin, les travaux d’aménagement extérieur et paysager ont été menés pour assurer un écrin à l’ensemble dans la continuité du parc de la Ligue arabe. »
Une véritable œuvre d’art architectural. Une destination formidable qui en vaut la peine
« Construite dans un style néo-gothique avec des influences Art déco et mauresques, cette magnifique église est, à elle seule, un spectacle à voir. L’architecte français Paul Tournon, qui avait déjà créé d’autres édifices catholiques telles certaines cathédrales en France, fait une expérience très intéressante dans l’utilisation décorative du béton moulé. Les fenêtres qui percent les niveaux supérieurs de la cathédrale rappellent les ornements des mosquées. Au lieu des courbes habituelles, les contreforts extérieurs le long du toit présentent de forts angles droits. »
Que devient cet espace aujourd’hui ?
« L’espace a été confié par la ville de Casablanca à la SDL (Société de développement local) Casa Event qui devra en assurer la gestion et l’exploitation et permettre la tenue d’activités faisant vivre le lieu. Notre rôle en tant que maître d’œuvre est terminé. Mais notre souhait en tant que Casablancais est que l’espace devienne un lieu dynamique accueillant des activités culturelles, mais également des résidences de création pour contribuer à la production d’œuvres spécifiques. L’espace devra également avoir une vraie politique destinée à l’ensemble des publics dans leur diversité. L’ensemble des acteurs culturels locaux dont je fais partie sont disposés à participer à cette dynamique. »
Gérard Flamme