Le monde a perdu aujourd’hui un témoin de son âme. Sebastião Salgado, maître incontesté de la photographie humaniste, s’est éteint à l’âge de 80 ans, laissant derrière lui une œuvre aussi bouleversante qu’essentielle.
Armé de son appareil photo comme d’un miroir tendu à l’humanité, il a parcouru les continents pour révéler les drames silencieux, les exils forcés, la dignité dans la misère et la beauté dans la lutte.

Né en 1944 au Brésil, Salgado avait d’abord emprunté les voies de l’économie avant d’être happé par la lumière. Très vite, il choisit de la capter non pour l’esthétisme, mais pour le témoignage. Son parcours, initialement ancré dans les chiffres et les analyses économiques, a pris un tournant décisif lorsque l’appareil photo est devenu son outil privilégié. Il n’était plus question de quantifier, mais de ressentir et de montrer. Salgado a embrassé le photojournalisme avec une passion viscérale, transformant sa vision du monde et la nôtre par la même occasion.


Ses séries légendaires comme Workers, Exodus ou Genesis ont bouleversé le regard de millions de personnes à travers le monde. Workers, une exploration poignante du monde du travail manuel, nous plonge au cœur des réalités souvent ignorées. Exodus, un témoignage saisissant des migrations humaines, expose la souffrance et la résilience de ceux qui fuient la guerre, la famine et la persécution. Genesis, un hommage époustouflant à la beauté originelle de la planète, nous rappelle la fragilité de notre environnement et la nécessité de sa préservation. Ces œuvres, parmi tant d’autres, constituent un héritage photographique d’une puissance et d’une pertinence inégalées.


Engagé, il n’a jamais cessé de croire en la possibilité d’un monde meilleur. Avec son épouse Lélia, il a fait reverdir la terre stérile de son enfance grâce à l’Instituto Terra, une œuvre de rédemption écologique à l’image de sa vision du monde : douloureuse, mais pleine d’espoir. L’Instituto Terra, bien plus qu’un projet de reforestation, est un symbole de l’engagement de Salgado envers la réparation du monde. Il incarne sa conviction profonde que l’humanité a la capacité de guérir les blessures infligées à la planète.

Salgado photographiait en noir et blanc, mais ses images portaient toutes les couleurs de l’humanité. Le noir et blanc, loin d’être une limitation, est devenu sa signature, un moyen d’épurer le réel et de concentrer l’attention sur l’essentiel : l’émotion brute, la texture de la peau, la profondeur du regard. Ses photographies transcendent les barrières linguistiques et culturelles, nous confrontant à notre humanité commune.
Aujourd’hui, son silence est assourdissant. Mais il nous laisse des milliers de visages, de regards et de paysages comme autant de fragments d’éternité. Chaque image est un témoignage précieux, une invitation à la réflexion et à l’action. Son œuvre continuera d’inspirer les générations futures de photographes et d’activistes.

Il n’a pas seulement photographié le monde. Il l’a compris. Et il nous a appris à le regarder. Repose en paix, Sebastião. Votre vision et votre compassion resteront gravées dans nos mémoires.
Gérard Flamme