Dans un monde où le tourisme est devenu une industrie incontournable, la problématique du surtourisme se pose de manière de plus en plus pressante.
À l’occasion de la Journée internationale du tourisme, le groupe hôtelier français Accor a annoncé un partenariat stratégique avec le World Monuments Fund (WMF) pour promouvoir un tourisme durable et responsable. Brune Poirson, directrice du développement durable du groupe, souligne l’importance cruciale d’ancrer le tourisme dans les territoires, afin de préserver les richesses culturelles tout en soutenant les communautés locales confrontées aux défis posés par l’afflux massif de visiteurs.
Le surtourisme, défini par une visite excessive d’un site qui nuit à son intégrité, a des répercussions indéniables sur l’environnement, la culture locale et le mode de vie des résidents. Certains lieux emblématiques, jadis paisibles et authentiques, se retrouvent désormais envahis par des foules de touristes, menaçant ainsi leur essence même. La rue des Pyramides à Paris, le Machu Picchu au Pérou et Venise en Italie illustrent parfaitement cette problématique. Dans ce contexte, la démarche d’Accor apparait logiquement comme un premier pas vers une refonte nécessaire de la façon dont nous concevons et pratiquons le tourisme.
Avec plus de 5 700 établissements à travers le globe, Accor représente un acteur de poids dans le secteur de l’hospitalité. En s’associant au WMF, qui a pour mission de protéger les sites du patrimoine culturel en péril, le groupe s’engage à aller au-delà des simples considérations économiques. La collaboration vise non seulement à préserver les trésors culturels menacés par le surtourisme, mais aussi à favoriser des pratiques touristiques durables. Cela implique une sensibilisation des touristes sur l’importance de leur empreinte écologique et de l’impact de leur présence sur les communautés visitées.
Cependant, cet engagement soulève une question fondamentale : Accor et d’autres entreprises du secteur peuvent-ils réellement lutter seuls contre les effets dévastateurs du surtourisme ? La réponse est clairement non. Bien que le soutien stratégique d’un leader comme Accor soit précieux, la gestion du surtourisme nécessite une approche collective et collaborative. Les gouvernements locaux, les organisations non gouvernementales, les habitants et les entreprises doivent travailler ensemble pour développer des stratégies efficaces. Cela peut inclure des politiques de régulation des flux touristiques, la mise en place de quotas pour certaines destinations ou encore la promotion de sites moins connus pour désengorger les destinations saturées.
Par ailleurs, la responsabilité ne doit pas uniquement incomber aux entreprises ou aux institutions. Les touristes eux-mêmes jouent un rôle essentiel dans cette dynamique. La montée de la conscience écologique et du tourisme responsable démontre que les voyageurs souhaitent aujourd’hui des expériences plus authentiques et respectueuses du patrimoine. En faisant le choix d’explorer des destinations moins fréquentées et en adoptant des comportements respectueux, chaque individu peut contribuer à la préservation des lieux qu’il visite.
L’impact du tourisme sur des sites naturels et culturels renommés
Le tourisme, vecteur de développement économique et culturel, présente souvent des faces cachées, notamment lorsqu’il interroge la préservation de sites aux trésors naturels et historiques inestimables. Parmi eux, Venise, l’île de Pâques, les îles Galapagos, le mont Kilimandjaro et le mont Everest. Chaque destination, emblématique à sa manière, subit les conséquences d’un afflux touristique souvent incontrôlé, menaçant leur intégrité écologique et culturelle.
Venise : Une belle en péril
La Cité des Doges incarne un patrimoine mondial. Néanmoins, l’image des paquebots à la silhouette massive croisent la fragilité de sa lagune, illustrant un paradoxe inquiétant. Selon des estimations, Venise reçoit quotidiennement près de 59 000 touristes, bien au-delà des 33 000 considérés comme supportables pour préserver l’équilibre de son écosystème. Cette surfréquentation a des répercussions d’importance : pollution accrue, érosion de ses infrastructures et dégradation de son environnement naturel. Des propositions émergent, comme celles de l’ONG Italia Nostra, prônant la régulation stricte des groupes organisés. Toutefois, ces mesures soulèvent un dilemme économique : préserver ou prospérer ?
L’ile de Pâques : Un équilibre fragile
L’île de Pâques, avec ses emblématiques statues Moai, fait face à une évolution inquiétante. L’adoption d’un Pass géré par les autorités vise à limiter à la fois le nombre de visiteurs et la durée de leur séjour. L’augmentation de la population locale rend la situation encore plus délicate. Si l’île aspire à préserver sa richesse culturelle, cela risque de reléguer l’accès à un tourisme élitiste. La menace d’une contrebande autour de ces précieux sésames souligne une réalité complexe dans la gestion du tourisme durable.
Les iles Galapagos : Une biodiversité à protéger
Les Galapagos, inscrites au Patrimoine mondial depuis 1978, abritent une biodiversité incomparable. Toutefois, l’influx de touristes y pose un problème d’ampleur. Avec un plafond de 200 000 visiteurs par an pour protéger leur environnement, la situation demeure précaire. La vigilance des îliens, qui interdisent aux étrangers de posséder une propriété, est louable, mais insuffisante face à une affluence massive. Les efforts de nettoyage et de régulation à travers des systèmes de géolocalisation pour les navires témoignent d’une volonté de préserver ce patrimoine, même si la mise en œuvre de ces mesures demeure précaire.
Mont Kilimandjaro : Érosion et pollution
Le mont Kilimandjaro continue d’attirer près de 25 000 randonneurs par an, malgré son statut de patrimoine mondial. Les effets de cette aventure humaine laissent des marques indélébiles sur son écosystème, notamment en matière d’érosion et de pollution. Les voies d’ascension, bien que accessibles, doivent faire face aux défis posés par l’augmentation du tourisme. La préservation de ce site exige non seulement une sensibilisation des randonneurs, mais aussi une stratégie globale de gestion de l’afflux.
Mont Everest : Le dilemme du dépotoir
L’ascension de l’Everest, symbole ultime de l’aventure, subit une pression identique. Son camp de base, surnommé « le dépotoir le plus haut du monde », est le reflet de l’inconscience de nombreux alpinistes. Malgré les efforts des gouvernements pour imposer une gestion rigoureuse des déchets, le décor emblématique se dégrade sous les pas de milliers de visiteurs chaque année. La possibilité d’un dépôt remboursable pour ramener les déchets est une démarche encourageante, mais elle ne suffit pas à résoudre le problème des déchets accumulés.
Le Machu Picchu : Un trésor menacé par le tourisme de masse
Le Machu Picchu, site emblématique de la civilisation Inca, se dresse majestueusement à 2 430 mètres d’altitude dans les Andes péruviennes. Sa construction, réalisée au XVème siècle, témoigne d’un savoir-faire architectural remarquable, suscitant l’émerveillement des visiteurs du monde entier. Toutefois, cette merveille, longtemps oubliée et inaccessible, est aujourd’hui confrontée à des défis majeurs en raison de l’afflux touristique considérable qu’elle subit.
Au fil des décennies, la renommée du Machu Picchu n’a cessé de croître. Autrefois visité par moins de 10 000 personnes par an en 1992, le site attire aujourd’hui près de 100 000 curieux chaque année. De nombreux trains, promouvant des excursions à la découverte de cette « cité perdue », desservent quotidiennement la région, et un trajet en bus d’une quinzaine de minutes suffit pour atteindre l’entrée du site. Malgré cette accessibilité accrue, l’afflux massif de touristes a des conséquences néfastes sur l’intégrité du patrimoine.
Les tombeaux Égyptiens : Un patrimoine menacé
Les tombeaux égyptiens, témoins d’une civilisation millénaire, sont aujourd’hui sous une protection renforcée par le gouvernement égyptien et le Ministère de la Culture. La Vallée des Rois et la Vallée des Reines, sites emblématiques, ont connu la fermeture de plusieurs tombeaux en raison des dégradations causées par l’afflux massif de touristes. En effet, les peintures murales, chefs-d’œuvre de l’art ancien, souffrent des effets néfastes du gaz carbonique et de l’humidité provenant de la respiration des visiteurs.
Malgré les mesures restrictives mises en place, des exceptions continuent d’exister. Des pratiques inappropriées permettent encore l’accès à certains lieux sans la supervision adéquate, comme cela est le cas pour les majestueux temples d’Abou Simbel. De plus, la découverte de nouveaux sites archéologiques par des chercheurs est souvent accompagnée du risque de pillage, un fléau qui perdure et menace la riche histoire de l’Égypte.
Pour protéger ce patrimoine inestimable, il est crucial de conscientiser les touristes sur leur responsabilité envers ces vestiges. Une réduction significative de l’afflux touristique pourrait être une solution viable pour préserver ces trésors historiques. En parallèle, des initiatives visant à promouvoir un tourisme écologique émergent, notamment par le biais d’éco-lodges dans les oasis, permettant ainsi une expérience plus respectueuse de l’environnement et de la culture locale.
Pétra, en Jordanie : Un trésor à préserver
Pétra, joyau de la Jordanie, se dévoile majestueusement à travers un long corridor étroit entre deux falaises ocre. Cette cité antique, célèbre pour sa façade monumentale connue sous le nom de « Trésor », semble émerger des entrailles de la terre, telle une église sculptée dans la pierre. Inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1985, Pétra a récemment célébré le bicentenaire de sa redécouverte en 2012, attirant ainsi l’attention du monde entier sur cette merveille archéologique.
La ville d’Amman, consciente de l’importance de Pétra pour le développement touristique de la Jordanie, mise sur cet attrait pour revitaliser sa destination. Toutefois, cette popularité soulève des préoccupations majeures. Depuis 2008, le gouvernement jordanien s’inquiète des effets du tourisme de masse sur ce site fragile, exposé aux caprices des éléments et aux afflux incessants de visiteurs. Les risques de dégradation de ce patrimoine unique sont réels, et les autorités doivent agir pour préserver l’intégrité de ce lieu emblématique.
Pour garantir la pérennité de Pétra, il est crucial de poursuivre son exploration, car de nombreux aspects de ce site demeurent encore inexploités. En parallèle, il serait judicieux de baliser les visites et, si nécessaire, de restreindre l’accès à certaines zones. Bien que ces mesures puissent sembler contraignantes pour les aventuriers en quête d’authenticité, elles sont essentielles pour protéger ce trésor inestimable pour les générations futures. La préservation de Pétra est un enjeu de taille, alliant la nécessité de maintenir l’attrait touristique à celle de protéger un patrimoine exceptionnel.
Angkor Vat, pilier emblématique à la dérive
Les temples d’Angkor, au Cambodge, constituent un témoignage poignant de l’architecture khmère et de l’histoire ancienne de la région. Inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, ces monuments attirent chaque jour des milliers de visiteurs, témoignant de leur renommée grandissante en tant que destination touristique de premier plan en Asie. Bien que de nombreux temples aient été restaurés ou reconstruits avec soin, ceux-ci reposent souvent sur des fondations érodées par les siècles, mettant en lumière les défis de la conservation historique.
Les visiteurs, attirés par la magnificence de ces structures, s’éloignent fréquemment des chemins balisés pour entreprendre leurs propres explorations, une pratique observée et documentée par le World Monuments Fund. Cela soulève des préoccupations concernant l’impact de cette exploration non régulée sur les sites fragiles et leur intégrité. Par ailleurs, le gouvernement cambodgien ne publie pas de statistiques officielles sur la fréquentation, rendant difficile une évaluation précise de la pression exercée sur ce patrimoine inestimable.
Angkor Vat, pilier emblématique de ce complexe, est devenue une destination incontournable, surpassant même celles d’Europe en termes d’attractivité touristique. En conséquence, de nombreux hôtels et infrastructures modernes se sont développés aux abords du site, intensifiant ainsi la pression sur cet héritage culturel. Si le tourisme peut être bénéfique pour l’économie locale, il est impératif de mettre en place des stratégies de gestion durables afin de préserver cet héritage pour les générations futures. L’équilibre entre la valorisation touristique et la préservation patrimoniale demeure un enjeu crucial pour Angkor et le Cambodge.
La Méditerranée et le défi du tourisme durable
La mer Méditerranée, avec ses plages ensoleillées et ses paysages pittoresques, représente une destination de choix pour des millions de touristes à travers le monde. Selon le World Wildlife Fund (WWF), le tourisme de masse est l’une des menaces majeures à la santé des écosystèmes côtiers et marins de cette région. Chaque année, environ 220 millions de visiteurs affluent vers ses rivages, une tendance qui pourrait atteindre 350 millions dans les deux prochaines décennies, selon l’Organisation Mondiale du Tourisme.
L’essor du tourisme engendre un développement infrastructural intense qui, bien que bénéfique sur le plan économique, entraîne la dégradation des espaces naturels fragiles. Les pays méditerranéens, en transformant leurs paysages pour répondre aux besoins des touristes, agissent souvent sans considérer les impacts environnementaux à long terme. Des écosystèmes précieux et des zones côtières risquent ainsi d’être irrémédiablement altérés.
Pour contrer cette dynamique destructrice, une approche politique s’impose. Les gouvernements doivent collaborer avec les acteurs du tourisme pour réguler l’expansion des infrastructures. L’impératif d’éco-construction, comprenant le recyclage des eaux usées et le tri des déchets, doit être intégré dans les normes de développement. Parallèlement, les touristes eux-mêmes ont un rôle fondamental à jouer : en exigeant des pratiques respectueuses de l’environnement, ils peuvent influencer positivement l’industrie.
Vers un Tourisme Durable : L’Engagement d’Accor et du WMF
La question du tourisme durable est devenue centrale dans les débats contemporains, particulièrement à l’aube de la Climate Week 2024 à New York, où Brune Poirson, ancienne secrétaire d’État, a réaffirmé l’engagement d’Accor en faveur d’une stratégie de développement durable. Elle souligne avec conviction que cette initiative « s’inscrit au cœur de la stratégie de développement durable du groupe », marquant ainsi un tournant crucial dans l’approche du secteur hôtelier face aux défis environnementaux et sociaux auxquels il est confronté.
Le tourisme représente un pilier essentiel de l’économie mondiale, générant jusqu’à 10 % du produit intérieur brut global et offrant environ 10 % des emplois à l’échelle planétaire. Cependant, ce secteur florissant fait face à des défis notables, notamment le changement climatique et le surtourisme, deux menaces qui compromettent la richesse patrimoniale des destinations touristiques. La réponse d’Accor à ces enjeux se manifeste par une collaboration avec le World Monument Fund (WMF) pour adopter des pratiques innovantes et durables. Brune Poirson insiste sur l’urgence d’une approche collaborative, dénonçant la nécessité d’un engagement actif du secteur privé pour renforcer la résilience des communautés touristiques.
Dans les trois prochaines années, Accor et le WMF uniront leurs forces pour développer des projets concrets de préservation et de formation des communautés locales. Le but est d’encourager un tourisme responsable à travers des initiatives visant à minimiser les retombées négatives du tourisme de masse. Par ailleurs, l’un des objectifs essentiels de ce partenariat est la promotion d’une répartition équilibrée des flux touristiques, notamment en mettant en avant des sites patrimoniaux moins connus. Cette stratégie permettra non seulement de diversifier les expériences touristiques, mais aussi d’assurer le respect et la valorisation de l’héritage culturel des territoires concernés.
La vision du développement durable ne se limite pas à la seule protection du patrimoine culturel ; elle inclut également l’instauration de nouvelles normes afin de guider le tourisme vers une voie plus éthique et responsable. Sébastien Bazin, PDG d’Accor, souligne l’ambition de cette collaboration de générer de nouvelles initiatives au service d’un développement respectueux des destinations touristiques. Bien que les détails des nouveaux projets doivent encore être révélés, la présentation prévue en janvier 2025 promet une avancée significative dans les pratiques de tourisme durable.
En évoquant des destinations comme Barcelone, qui subissent une pression touristique considérable, Brune Poirson exprime la nécessité d’une réflexion approfondie sur les futurs développements. Accor est déjà engagé dans des territoires moins fréquentés et vise à ouvrir des établissements dans des régions jusqu’ici négligées par le grand public. Cela démontre une volonté d’explorer des alternatives au tourisme de masse, en localisant et en adaptant les projets aux spécificités des différentes communautés.
Cependant, il convient de rester prudent quant à la mise en œuvre de telles mesures. Certains pays, comme l’Espagne, confrontés à des pénuries d’eau graves, s’interrogent déjà sur leur capacité à accueillir un nombre croissant de visiteurs. Ainsi, les solutions doivent être équilibrées, tenant compte des besoins économiques tout en préservant l’intégrité des ressources naturelles. La durabilité du tourisme en Méditerranée dépendra in fine de la prise de conscience collective et des actions concrètes menées par tous les acteurs impliqués. Il est urgent d’agir pour protéger ce trésor commun, avant qu’il ne soit trop tard.
À travers ces exemples, il est évident que le tourisme, s’il n’est pas géré de manière durable, peut compromettre la préservation de certains des joyaux de notre planète. La nécessité d’un équilibre entre développement économique et sauvegarde de notre patrimoine est plus cruciale que jamais. Des solutions innovantes et des changements dans notre comportement collectif peuvent contribuer à garantir que ces sites restent non seulement accessibles, mais également protégés pour les générations futures. La préservation de ces trésors naturels et culturels réclame une responsabilité partagée entre gouvernements, acteurs économiques et visiteurs.
Le partenariat entre Accor et le World Monuments Fund représente une avancée significative vers un tourisme plus durable. Toutefois, il ne peut être considéré comme une solution définitive face aux enjeux posés par le surtourisme. Ce phénomène exige une action concertée et un changement des mentalités au sein de la sphère touristique. La collaboration entre divers acteurs, ainsi qu’un engagement fort des voyageurs eux-mêmes, s’avèrent être des éléments indispensables pour garantir la protection des trésors culturels menacés et assurer un avenir prospère aux communautés locales. Ainsi, il est impératif de rappeler que chacun d’entre nous, en tant que touriste responsable, a un rôle à jouer dans l’avenir du tourisme et la préservation de notre patrimoine commun.
Gérard Flamme
Contribution à l’occasion des assises culturelles