Claude Neuschwander reprend Lip en janvier 1994 et prévoit une réintégration de l’ensemble du personnel et la création de nouvelles collections horlogères en collaboration avec des designers.
Claude Neuschwander (patron de gauche), ancien patron de l’horloger Lip puis de la Fnac, est mort à l’âge de 89 ans.
« Figure de la gauche française, il a toujours été aux côtés des ouvriers de Lip et a combattu avec fermeté pour la justice, sans jamais céder à la démagogie »,
Claude Neuschwander, ancien de Publicis, était devenu, au tout début de 1974, PDG de Lip, horloger centenaire qui avait déposé le bilan l’année précédente. A Besançon, les ouvriers avaient pris le contrôle de leur usine sous le slogan « On fabrique, on vend, on se paie ! ». Dès son arrivée, ce centralien ouvre des négociations avec les syndicats et lance un plan de redressement. Les ouvriers restituent le stock de montres qu’ils avaient saisies, dans le but de les vendre. « Il a fait ce qu’il a pu pour remettre la boîte en route. Il avait de la vision », témoigne l’un des dirigeants syndicaux de l’époque. « On garde un bon souvenir de son passage chez Lip ».
Mais le plan de relance est un échec, et Claude Neuschwander, qui refuse de recourir à des licenciements, décide des réductions d’horaires, des mises à la retraite anticipée et demande une nouvelle augmentation du capital. Début 1976, l’Etat accorde un prêt de 7 millions de francs. Un nouveau plan de redressement est adopté, accompagné par une augmentation de capital, mais le pouvoir giscardien choisit d’écarter cet agitateur de gauche.
« Le gouvernement et les grands patrons ne pouvaient supporter l’insolente réussite de ces ouvriers horlogers », commentait-il , lors de la projection d’un documentaire à Besançon sur ce conflit social, l’un des plus longs de la Ve République. « Trente ans après, il m’arrive encore de rêver que je sens l’usine vibrer sous mon fauteuil », confiait-il.
Cet ancien journaliste prenait en 1980 la direction générale de la Fnac puis créait Ten, un cabinet de consultant destiné aux collectivités locales, actif particulièrement dans la rénovation des quartiers.
Face à l’absence de repreneurs, la société d’exploitation des montres Lip est définitivement liquidée le 12 septembre 1977. Le 8 novembre 1977, après de longs débats, les employés de Lip, attachés viscéralement à leur entreprise, fondent six coopératives parmi lesquelles figure la société coopérative de production « Les Industries de Palente » dont les initiales sonnent toujours LIP.
En 1984, Les Industries de Palente, détentrices de la marque Lip, sont rachetées par la société d’horlogerie « SMH-Kiplé » de Morteau. Le secteur de l’horlogerie française se porte mal à cette époque et la société SMH-Kiplé est mise en liquidation six ans plus tard.
En septembre 1990, SMH-Kiplé est mise en vente par le tribunal de commerce de Besançon. Créant la surprise, Jean-Claude Sensemat, à la tête d’une entreprise de distribution d’outillage dans le Gers, remporte l’enchère devant la maison Cartier, elle aussi intéressée. Conscient du potentiel de la marque Lip, il tente de la développer avec une approche commerciale plus moderne et plus directe.
Les ventes progressent sensiblement. Des montres « premier prix » sont attachées à des offres d’abonnements à la presse nationale. Les montres sont également présentes dans les rayons de la grande distribution et proposées par des canaux de vente par correspondance. Faisant revivre une tradition, Jean-Claude Sensemat offre au président Bill Clinton une réédition de la montre du général de Gaulle et amorça ainsi un renouveau pour la marque.
En 2002, Jean-Claude Sensemat octroie un contrat d’exploitation pour Lip à Jean-Luc Bernerd qui fonde la « Manufacture Générale Horlogère », dans une commune du Gers, à Lectoure. En 2007, 1,2 million de montres frappées du logo Lip sont écoulées. Le studio de conception et le service après-vente sont localisés en France, la production est confiée à la société partenaire « FIZZ Watches » implanté à Hong Kong. La marque emploie près de 50 personnes. Jean-Luc Bernerd cherche à renforcer Lip avec l’aide d’un nouvel investisseur.
Retour de Lip à Besançon
Début 2014, Philippe Bérard, président de la « Société des montres bisontines » qui emploie une centaine de personnes, signe un accord pour assembler à Besançon et commercialiser les montres Lip. En mars 2015, les premières montres Lip Besançon sont présentées lors du salon Baselworld. Deux collections sont révélées : les modèles historiques offerts à des grands hommes du xxe siècle : Winston Churchill, Charles de Gaulle, Maurice Herzog, et les montres dessinées par des designers renommés dans les années 1970 : Roger Tallon, De Bashmakoff.
En 2016, Jean-Claude Sensemat, qui est devenu canadien entre temps, cède la marque Lip à Jean-Luc Bernerd. Deux ans plus tard, la Société des montres bisontines choisit de racheter la marque. En 2018, le catalogue de Lip est constitué de plus de 250 modèles de montres à quartz et à remontage automatique. La société a pour projet de ne cesser d’améliorer la qualité de ces montres et de rééditer en nombre limité un modèle à remontage manuel basé sur le calibre Lip R23.
Début 2020, un nouvel atelier d’assemblage est créé, sur la commune de Châtillon le Duc, commune limitrophe de Besançon, au Nord de la capitale de l’ancienne région Franche-Comté. En effet, les locaux qui avaient servis depuis fin 2014 étaient trop restreints pour le développement de la production.
En 2023, la société fabrique environ 190 types de montres : 97 pour les hommes et 91 pour les femmes. Lip produit des montres à quartz ainsi que des montres à remontage automatique mais aucune montre mécanique à remontage manuel.
Et en juillet 2023. Une troupe de comédiens menée par Théo Tasserit (mais pas que lui) mets en scène à Avignon l’histoire de Lip.
La saga Lip continue….avec sa direction et ses ouvriers.
Informations pratiques
Lip diffuse ses montres en vente directe grâce à son site internet, que ce soit pour la France ou pour l’étranger et dispose en France d’un réseau de 770 horlogers détaillants. À l’étranger, Lip est représenté par environ 130 commerçants.
Gérard Flamme