Le verre soufflé « beldi » est un objet symbolique du quotidien au Maroc. Il siège sur les tables familiales depuis très longtemps entre autre à l’heure du thé.
Bouchaib Harmouzi a grandi au milieu de ses ustensiles du quotidien. Et puis en 2013 il apprend que la dernière fabrique de verrier qui se situait à Aïn Sebaâ (Sover – Casablanca) allait s’arrêter, ne pouvant se résoudre à cette ultime disparition et naturellement il va reprendre le flambeau de cet art ancien. Le cofondateur de Kessy Verre nous entraine sur les débuts de cette aventure à succès.
Comment a démarré l’aventure « Kessy Verre » ?
L’aventure démarre il y a quelques années, précisément en 2013. À cette époque, j’avais l’habitude d’acheter des verres « beldi » à Marrakech pour ma maison d’hôtes de Zagora, Azalaï Desert Lodge. Le négociant m’explique alors que la dernière manufacture qui les fabrique a fermé ses portes. Je suis parti à la recherche de cette usine pour acheter un possible approvisionnement. Impossible alors de trouver l’adresse sur place, et c’est finalement une amie de Paris qui m’a envoyé les coordonnées ! Quand j’ai enfin pu visiter cette usine fermée, j’ai réalisé qu’une partie de notre capital patrimonial allait totalement périr. Au cours d’un déjeuner avec mon ami Marc Alberola, (DG et Administrateur général du Groupe Eranove, Président de la Chambre de Commerce Européenne), que tout se matérialise. Marc est né au Maroc, et il est convaincu qu’il faut sauver ce savoir-faire séculaire. Et en 2014 nous créons « Kessy Verre ». Notre usine se situe à 30 kilomètres de Marrakech, dans la zone industrielle de Sidi Bou Othmane. )
Vous avez dû repartir de zéro ?
« Nous avons réussi à mobiliser une vingtaine des anciens souffleurs de Sover pour partager avec nous cette fabuleuse aventure. » Un vrai pari humain, industriel, économique. Au-delà des emplois préservés, c’est tout un savoir-faire qui a repris corps au Maroc et échapper à la disparition. Aujourd’hui, Kessy Verre c’est une équipe de 25 personnes et nous formons de jeunes apprentis qui prendront nous l’espérons la suite du projet. Nos fours tournent 12 mois par an, 7 jours sur 7, 24h sur 24. C’est une condition sinéquanone pour que l’activité se maintienne toute l’année et pour retenir nos employés, les fidéliser. Leur technique est fabuleuse. Quand on entre dans l’atelier nous découvrons un spectacle unique des maitres-verrier qui capturent la pâte rougeoyante et lui faire subir des transformations. Pour lui donner forme, il va la « gonfler », la « rouler », la « tordre », l’ »étirer » avec minutie et habileté. C’est ainsi qu’il parvient à la création des objets jouant de transparence et de couleurs. Il reste l’héritier et le passeur d’un savoir-faire ancestral. Cela me fait bien sûr penser à ces manufactures du 18eme et 19eme siècle qui se sont prolongées jusque les années 50 dans le monde, comme par exemple Murano en Italie ou encore les manufactures royales en France.
Quelles sont les secrets de fabrication?
Trois étapes indispensables: Le verre est avant tout chauffé dans un four à plus de 1000º C pour être fondu. Ensuite l’artisan verrier prélève une boule de verre avec une canne métallique d’un bassin de verre fondu avant de la ”rouler” sur un marbre pour la préparer au soufflage. L’artisan souffleur souffle dans sa canne afin de gonfler la boule de verre, et la fabriquer en la tournant. On introduit ensuite cette première ébauche encore élastique dans un moule. L’objet obtenu est ensuite “trempé” dans un four de refroidissement progressif. Un procédé totalement artisanal qui rend l’objet unique puisque se forment sur chaque verre des micros imperfections. Une définition du luxe en somme… Malgré son aspect fragile, notre verre est un matériau résistant qui supporte des températures modérées dans un four. Les reflets verts du produit lui viennent du verre recyclé utilisé pour sa fabrication.
Votre produit artisanal, entièrement fabriqué à partir de matériaux recyclés?
Nous utilisons du verre 100% recyclé, notamment des bouteilles de bière et de vin. Nous travaillons avec le réseau de ramasseurs de verres, ceux-là mêmes qui récupèrent les bouteilles chaque jour dans les poubelles des restaurants et maisons de Marrakech. En plus des employés et des souffleurs de l’usine, c’est toute une chaîne de petits métiers qui participent à l’histoire de « Kessy Verre ». De même, tous nos emballages sont en papier recyclé.
Quels sont les produits que vous proposez ?
Nous fabriquons des verres et des carafes, des bougeoirs et des photophores, des vases, de la vaisselle qui se déclinent dans une multitude de couleurs. Le verre beldi, avec sa collerette distinctive reste le succès indétrônable! Nous avons créé notre propre gamme, en collaboration avec des designers réputés.
Nous réalisons aussi des pièces pour des marques de créateurs, comme Ludovic Petit, des produits sur-mesure pour des particuliers ou des événements.
De temps à autre, si nos souffleurs créent de nouvelles pièces, comme par accident, ou si je veux anticiper l’accueil d’un nouveau produit, je fais le “test du bureau” : je dépose l’objet sur mon bureau et j’observe les réactions de chaque personne… c’est souvent très formateur. Nos produits se retrouvent sur les bonnes tables de Paris, Londres, New York, et dans tous les bons concepts store du Maroc… Et je suis heureux de constater que le verre « beldi » est désormais sur les tables des restaurants ou des grands hôtels.
Le Verre Beldi a été vendu à l’Institut du Monde Arabe à Paris à l’occasion de l’exposition « Le Maroc Contemporain », d’octobre 2014 à mars 2015.
Kessy Verre
Parc Industriel Sidi Bouathmane
Lot 106. Sidi Bouathmane – Marrakech
Tel. 06 68 22 00 36