Ils étaient venus triomphants. Mais le Maroc s’est retrouvé dans une position peu enviable, occupant la dernière place du classement. Introspection sur cette déroute.
Commençons par le commencement.
Le monde de la gastronomie internationale est riche en événements prestigieux, mais aucun ne parvient à capturer l’essence même de l’art culinaire comme le Bocuse d’Or au Salon Sirha Lyon. Institué en 1987 par le fameux chef Paul Bocuse, cette compétition transcende le cadre ordinaire d’un simple concours de cuisine pour devenir un véritable symbole de l’innovation, de l’excellence et de la passion culinaire. Chaque année, lors de ce salon professionnel reconnu mondialement, les meilleurs chefs de la planète se rassemblent dans une célébration vibrante des talents culinaires, prêts à partager leur créativité et leur technicité inégalées. La grande finale prévue s’annonçait comme un événement majeur, mettant en avant 24 chefs venus des quatre coins du monde, tous déterminés à sublimer des ingrédients d’exception dans un temps imparti de 5h30.

Les épreuves:
Épreuve Assiette : Une exaltation des saveurs
Lors de cette édition du Bocuse d’Or, l’épreuve assiette a mis à l’honneur des produits d’exception fournis par le partenaire officiel, METRO. Le maigre, un poisson raffiné largement apprécié par les gourmets, a été le protagoniste de cette épreuve. Les candidats ont du préparer un sabayon chaud au jus de homard, une émulsion délicate versée directement devant un jury exigeant par des Maîtres d’Hôtel. Cette présentation non seulement fascinante, mais aussi révélatrice de la maîtrise technique des chefs, a illustré leur capacité à créer des plats harmonieux qui exaltent les saveurs des ingrédients. En outre, les céleris – tant le céleri-rave que le céleri-branche – ont été impeccablement présentés, avec le céleri-rave exhibé entier et le céleri-branche servi sous forme de garnitures individuelles. Ce défi culinaire met en avant la nécessité de revisiter des produits du terroir avec innovation tout en célébrant la créativité et la technique des chefs participants.
Épreuve Plateau : Hommage à Paul Bocuse
Pour marquer cette 20ᵉ édition du Bocuse d’Or, l’épreuve de plateau a rendu un hommage vibrant au visionnaire Paul Bocuse, une figure emblématique de la gastronomie française. Les concurrents ont eu l’opportunité de travailler des ingrédients d’exception tels que le chevreuil, le foie gras, et le thé. Le dos de chevreuil, pièce maîtresse de cette épreuve, a été décliné en trois présentations différentes, chacune accompagnée de garnitures spectaculaires. Les candidats ont du faire preuve de leur ingéniosité en préparant des plats tel qu’une tourte d’épaule de chevreuil et foie gras, proposée sous une croûte dorée et croustillante, mettant en lumière la richesse inouïe des saveurs. En outre, une garniture végétale, intégrant un fruit emblématique du pays du candidat, a ajouté une touche de quotidien à une sophistication culinaire. Des ravioles bicolores savamment élaborées, accompagnées d’un consommé de chevreuil infusé au thé Dammann Frères, ont été présentées dans des théières élégantes, apportant une dimension encore plus raffinée à cette expérience gastronomique.

Un engagement pour l’Excellence et l’Esprit d’équipe
Participer au Bocuse d’Or représente une expérience humaine et professionnelle unique en son genre. Les équipes entament leur préparation presque deux ans à l’avance, investissant une quantité incommensurable de temps, d’efforts et de passion pour atteindre la perfection tant technique qu’artistique. Ce processus exigeant met en lumière le dépassement de soi, la rigueur et la créativité des candidats. Le parcours vers le sommet de cette compétition nécessite non seulement des compétences culinaires, mais aussi le développement d’une forte cohésion d’équipe, où le travail collaboratif devient tout aussi crucial. Les chefs de chaque pays forment une véritable unité, chaque membre jouant un rôle indispensable à la réalisation des plats pendant cette compétition de renommée mondiale.
Un comité d’organisation prestigieux
L’héritage du Bocuse d’Or est surveillé avec soin et passion. Depuis 2017, Jérôme Bocuse, fils de Paul Bocuse, veille personnellement à ce que l’esprit et les valeurs du concours soient préservés à travers les générations. Pour l’édition 2025, Davy Tissot, le lauréat du Bocuse d’Or 2021 et Meilleur Ouvrier de France, a occupé le poste de président du Comité International d’Organisation. Ce dernier avait pour mission d’assurer que chaque édition offre une vitrine splendide des valeurs fondamentales qui animent le Bocuse d’Or : excellence, innovation et transmission des savoir-faire culinaires. Cela témoigne de l’engagement de la compétition à évoluer tout en honorant ses racines.
Le Bocuse d’Or : Une compétition itinérante
Depuis 2005, le Bocuse d’Or a adopté un format itinérant pour ses sélections nationales et continentales, permettant une scène mondiale à la diversité culinaire sans précédent. De Mexico à Shanghai, en passant par Marrakech, Stockholm, et avec une prochaine édition prévue en Arabie Saoudite pour 2026, cet événement célèbre la richesse des traditions culinaires tout en valorisant les produits locaux. En encourageant les chefs à se réunir, à partager leurs expériences et à découvrir les cultures gastronomiques des autres, le Bocuse d’Or s’impose comme un véritable ambassadeur de la gastronomie mondiale, fédérant plus de 5000 chefs dans 72 pays.

Une fois que ceci est rappelé, il faut parler ici de l’échec total de l’équipe du Maroc
On ne le répètera jamais assez. Le Bocuse d’Or, véritable institution dans le monde de la gastronomie, est souvent comparé aux Jeux Olympiques culinaires, un événement qui célèbre non seulement l’excellence en cuisine, mais également la culture et l’identité des nations participantes. Ce concours international met en lumière les talents culinaires des chefs du monde entier, tout en plaçant chaque pays sous les feux de la rampe par le prisme de son identité gastronomique. Cependant, lors de la finale du Bocuse d’Or 2025, qui s’est tenue à Chassieu près de Lyon, le Maroc s’est retrouvé dans une position peu enviable, occupant la dernière place du classement. Cette contre-performance soulève des questions cruciales sur l’avenir de la gastronomie marocaine sur la scène mondiale.

Un concours redoutable
La finale du Bocuse d’Or, qui a eu lieu le lundi 27 janvier, a réuni des chefs de renom représentant divers pays, chacun d’eux cherchant à démontrer son savoir-faire et son innovation culinaire. Le Maroc y était représenté par une équipe talentueuse composée du chef Yassine Bogdad, de son commis Youssef Lamghani et de leur coach Ahmed Bem Semlali. Malgré le travail acharné et la passion manifestée par l’équipe marocaine, les résultats ne furent pas à la hauteur des attentes. Avec 469 points au thème assiette, 517 points au thème sur plateau, et 239,5 points au jury de cuisine, le Maroc a terminé avec un score total de 1276,5 points, en plus d’encaisser 150 points de pénalité. Cette contreperformance contraste cruellement avec la victoire éclatante de la France, qui, sous la houlette du chef Paul Marcon, a remporté le « Graal » avec un score impressionnant de 2070,5 points.




Analyse des performances
Les conditions sous lesquelles les candidats doivent créer leurs plats sont particulièrement exigeantes. Pour la finale, ils avaient 4 heures et 40 minutes pour présenter un plat mettant en valeur le céleri, le maigre et le homard, tout en respectant l’identité nationale. Parallèlement, ils disposaient de 5 heures et 30 minutes pour réaliser un plateau à base de chevreuil, de foie gras et de thé, comprenant un plat principal accompagné de trois garnitures. Cette double exigence en matière de créativité et de précision technique était un véritable test de méticulosité, demandant non seulement des compétences culinaires de haut niveau, mais également une capacité à innover tout en respectant les traditions.
L’évaluation par les jurys, composée de chefs étoilés et de spécialistes de la gastronomie, repose sur des critères rigoureux. Dans le cas du Maroc, des pénalités significatives ont influencé le score final. Il est essentiel de s’interroger sur l’origine de ces fautes, qui pourraient signaler des lacunes dans la préparation, le choix des ingrédients ou l’exécution technique. Dans un concours où chaque détail compte, une si grande perte de points souligne la nécessité d’une réévaluation des stratégies de préparation.
Réflexion sur l’identité gastronomique
L’une des attentes les plus significatives du Bocuse d’Or est la capacité des chefs à mettre en avant l’identité culinaire de leur pays. Le Maroc, avec sa richesse gastronomique, sa diversité d’ingrédients et ses traditions culinaires bien ancrées, dispose d’un potentiel considérable. Pourtant, la représentation marocaine n’a pas su traduire ces atouts en une performance triomphale. Il est impératif que les représentants du pays, lorsqu’ils se préparent pour de tels concours, s’engagent dans une recherche approfondie sur la manière de réinterpréter les plats traditionnels tout en intégrant des techniques modernes. L’innovation doit s’accompagner du respect des racines culturelles pour créer une expérience culinaire authentique capable de séduire le jury.

Vers un avenir meilleur
À la lumière de cette expérience malheureuse, il est nécessaire que la communauté gastronomique marocaine prenne des mesures concrètes pour améliorer sa préparation pour les prochaines compétitions. Cela peut inclure des programmes de formation plus poussés pour les chefs, l’encouragement à l’expérimentation en cuisine et l’engagement de mentors internationaux. De plus, le soutien du gouvernement, ainsi que des institutions privées, pourrait jouer un rôle fondamental en fournissant les ressources nécessaires pour favoriser l’émergence de talents dans le milieu culinaire.
Le Maroc a prouvé son potentiel lors des sélections continentales du tournoi officiel des chefs (TOC Afrique) où il s’est qualifié à la première place, en compagnie de l’île Maurice. Cette performance antérieure démontre que le pays a les capacités requises pour briller sur la scène internationale. Néanmoins, il est essentiel que cet élan soit maintenu et qu’une stratégie solide soit mise en place pour les futurs concours.
Yassine BOGDAD : Une étoile montante de la gastronomie Marocaine au Hilton Taghazout Bay Beach Resort & Spa
Yassine BOGDAD incarne l’essence de la cuisine marocaine et méditerranéenne, une passion alimentée par un profond respect pour la richesse des saveurs qui caractérisent ces traditions culinaires. Son parcours professionnel, marqué par un engagement envers l’innovation, témoigne de sa volonté de redéfinir les normes gastronomiques tout en préservant l’authenticité des plats.
Originaire d’une région où la mer rencontre la terre, Yassine a commencé sa carrière au Radisson Blu Resort à Saidia Marina en 2017, où il a affiné ses compétences et sa créativité en tant que chef cuisinier. Son talent et son expertise l’ont ensuite conduit à occuper le poste de chef exécutif au Mazagan Beach & Golf Resort à El Jadida en 2018. Ces expériences, bien que variées, ont toutes enrichi sa compréhension des produits locaux et des techniques culinaires.
Depuis 2024, en tant que chef du restaurant Anaw au Hilton Taghazout Bay Beach Resort & Spa à Agadir, Yassine a marqué son empreinte dans le paysage gastronomique marocain. Sa renommée croissante s’est récemment concrétisée par sa nomination en tant que nouveau talent au sein de La Liste, le guide digital de référence pour les gourmets. Cette reconnaissance souligne son expertise, notamment dans le domaine des produits de la mer, où poissons et crustacés sont préparés avec une maîtrise exceptionnelle.
En parallèle de sa carrière culinaire, Yassine transmet sa passion et ses connaissances en tant qu’instructeur à l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P). Cette double casquette lui permet de former la prochaine génération de chefs tout en continuant à explorer et à innover dans sa propre cuisine.
Ainsi, Yassine BOGDAD est un ambassadeur de la gastronomie marocaine, alliant tradition et modernité. Sa trajectoire professionnelle inspire non seulement ses pairs, mais aussi tous ceux qui aspirent à exceller dans le domaine culinaire.
En conclusion
La défaite du Maroc au Bocuse d’Or 2025 doit être interprétée non pas comme une fin, mais comme un encouragement à l’introspection et à l’amélioration. La gastronomie marocaine possède des attraits indéniables et mérite d’être reconnue à son juste valeur sur la scène mondiale. En transformant cet échec en une opportunité d’apprentissage, le royaume pourra non seulement rehausser son image, mais également cimenter sa place au sein de l’élite culinaire internationale. Dans ce sens, le chemin est encore long, mais le potentiel est immense.
Oui, le Bocuse d’Or, institution de renommée internationale incarne l’art gastronomique dans toute sa splendeur, réunissant tradition et innovation. Chaque édition, chaque épreuve, chaque plat devient une célébration de la passion, du dévouement et de la créativité des chefs du monde entier, transformant la gastronomie en un véritable spectacle vivant. La scène du Bocuse d’Or ne fait que s’agrandir, promettant de nouvelles découvertes, des alliances inattendues et, surtout, une exaltation des saveurs qui font la richesse de notre monde culinaire.
Gérard Flamme