La cuisine marocaine, réputée pour sa richesse et sa diversité, offre un éventail de saveurs qui puisent dans un héritage culinaire ancestral. Parmi les plats les plus emblématiques et, avouons-le, les plus surprenants pour les palais occidentaux, figure la soupe d’escargots, ou « babbouche » en dialecte marocain.
Ce n’est pas une simple soupe mais une véritable institution, un rituel culinaire profondément ancré dans la culture populaire, et un remède traditionnel apprécié pour ses vertus curatives. Explorer la soupe d’escargots marocaine, c’est plonger au cœur des traditions, des saveurs et des croyances d’un pays étonnant.
L’histoire de la consommation d’escargots au Maroc remonte à des temps anciens. Les Romains, qui ont régné sur une partie de l’Afrique du Nord, appréciaient déjà les escargots, et il est probable que cette habitude se soit perpétuée au fil des siècles. Cependant, la soupe d’escargots marocaine, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est le fruit d’une longue évolution, intégrant des ingrédients et des techniques spécifiques au Maroc. Elle est intimement liée à la médecine traditionnelle et aux pratiques populaires, étant souvent considérée comme un tonique puissant, un remède contre le rhume et la fatigue, et même un aphrodisiaque naturel.

La préparation de la soupe d’escargots est un processus méticuleux qui commence bien avant la cuisson proprement dite. Les escargots, généralement de l’espèce Helix aspersa, sont collectés dans les champs après la pluie. Cette collecte se fait souvent de manière saisonnière, car les escargots sont plus abondants durant certaines périodes de l’année. Une fois collectés, ils doivent être nettoyés avec une attention particulière pour éliminer toute trace de terre ou d’impureté. Ce nettoyage consiste en plusieurs bains d’eau claire, parfois additionnés de vinaigre ou de sel, et dure plusieurs jours, permettant aux escargots de se purger naturellement.
L’étape suivante est la cuisson, qui est cruciale pour garantir la tendreté et la saveur des escargots. Ils sont généralement bouillis dans une grande marmite d’eau bouillante, souvent avec des herbes aromatiques et des épices. C’est là que la recette commence à se diversifier, chaque vendeur ou famille ayant sa propre version et son propre mélange secret d’ingrédients. On retrouve cependant certains ingrédients communs :
- Les herbes aromatiques: Menthe, thym, romarin, fenouil sont souvent utilisés pour parfumer le bouillon et masquer l’odeur terreuse des escargots.
- Les épices: Le cumin, le gingembre, le poivre noir, le safran, et le ras el hanout (un mélange d’épices complexe et typiquement marocain) apportent chaleur et profondeur à la saveur.
- L’ail et l’oignon: La base de nombreux plats marocains, ils ajoutent de la saveur et de la complexité au bouillon.
- Le fenugrec: Cette graine est réputée pour ses propriétés médicinales et est souvent incluse pour son goût légèrement amer et sa contribution à la texture du bouillon.
- La réglisse: Parfois ajoutée, elle apporte une touche de douceur et est censée faciliter la digestion.

La cuisson dure plusieurs heures, permettant aux escargots de devenir tendres et d’infuser le bouillon de leur saveur particulière. Le résultat est un bouillon brun foncé, riche en arômes et en nuances subtiles. La dégustation est tout un art. On utilise généralement une épingle ou un cure-dent pour extraire l’escargot de sa coquille. Le bouillon est ensuite bu directement dans le bol. De nombreux Marocains apprécient ajouter un peu de harissa (une pâte de piment rouge) pour relever encore plus le goût.
La soupe d’escargots marocaine est une expérience sensorielle et culturelle. On la trouve principalement dans les rues des villes marocaines telles que Casablanca, vendue par des marchands ambulants équipés de grands chariots à vapeur. Ces marchands, souvent des figures emblématiques de leur quartier, sont fiers de leur savoir-faire et de la qualité de leur soupe. Ils attirent les passants avec des chants et des slogans, créant une ambiance festive et conviviale.
La consommation de soupe d’escargots est souvent un acte social. On la partage entre amis ou en famille, debout autour du chariot du vendeur, échangeant des conversations et des rires. C’est une manière de se connecter avec sa communauté, de partager un moment de plaisir simple et authentique. On l’associe souvent aux soirées fraîches, aux jours de pluie, ou aux moments de fatigue où l’on recherche un réconfort et un regain d’énergie.

Au-delà de son aspect culinaire et social, la soupe d’escargots revêt une dimension thérapeutique importante dans la culture marocaine. On lui attribue de nombreuses vertus curatives. Elle est considérée comme un remède efficace contre le rhume et la grippe, grâce à ses propriétés réchauffantes et à la présence d’ingrédients comme le gingembre et le poivre noir. On pense également qu’elle renforce le système immunitaire et qu’elle facilite la digestion. Le fenugrec, souvent inclus dans la recette, est réputé pour ses propriétés stimulantes et toniques.
Bien que la soupe d’escargots puisse paraître inhabituelle pour certains palais occidentaux, elle mérite d’être découverte et appréciée pour sa complexité et son authenticité. C’est un plat qui raconte une histoire, celle d’un pays riche en traditions et en savoir-faire culinaire. Elle témoigne de l’ingéniosité des Marocains à transformer des ingrédients simples en un plat savoureux et nourrissant.
Aussi, dès que vous êtes au Maroc, n’hésitez pas à vous aventurer et à goûter à cette soupe d’escargots, vous pourriez être agréablement surpris et découvrir un pan méconnu de la culture marocaine. Vous ne vous contenterez pas de manger une soupe, vous vivrez une expérience.
Gérard Flamme