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La babouche qui fait polémique

La babouche qui fait polémique

Inspiration ou appropriation culturelle ? Il semble que certains internautes marocains aient répondus, un peu vite peut-être à cette question.

La polémique récemment suscitée par la marque de luxe Balenciaga sur les réseaux sociaux au Maroc a mis en lumière un débat complexe et sensible autour de l’appropriation culturelle, de la valorisation du travail artisanal et de la perception de la valeur dans l’industrie de la mode. L’indignation des internautes marocains face à la commercialisation d’une babouche inspirée (semble-t-il) de la traditionnelle belgha marocaine par Balenciaga a ravivé les tensions entre la reconnaissance de l’origine culturelle et le respect du savoir-faire local.

La controverse a éclaté lorsque des internautes ont souligné le contraste flagrant entre le prix élevé fixé par Balenciaga pour ces babouches et le coût beaucoup plus abordable auquel les artisans locaux vendent des produits similaires sur les marchés traditionnels. Cette disparité a mis en lumière la question de la valorisation du travail artisanal et de la juste rémunération des artisans qui consacrent leur temps et leur savoir-faire à la création de ces pièces emblématiques de la culture marocaine.

Le manque de reconnaissance de l’origine marocaine de la belgha par Balenciaga a également été critiqué, renforçant le sentiment d’appropriation culturelle ressenti par de nombreux internautes. En effet, en omettant de mentionner l’inspiration puisée dans la tradition marocaine, la marque de luxe a été accusée de tirer profit de l’héritage culturel d’une communauté sans en reconnaître la valeur intrinsèque.

Mules plates, bout pointu, ouvertes à l’arrière… voilà à quoi ressemblent les nouvelles mules Balenciaga, lancées sur les plateformes digitales de la marque de mode de luxe française dans le cadre de la collection Printemps/Été 2024. Disponibles en denim ou en cuir d’agneau noir, ces mules ressemblent à des pantoufles et coûtent 995 dollars la paire, soit environ 10 000 Dh. De quoi inciter les artisans marocains à reconsidérer leurs répliques, soumises à d’âpres négociations de la part des touristes en quête de prix plus bas.

Inspiration ou appropriation ?

Comme dans différents domaines de l’art, la mode s’inspire de plus en plus de la culture, au point qu’elle est devenue (presque) la norme. Le wax africain a donc vécu cette expérience, étant étoilé par de grands créateurs, tout comme la robe marocaine l’a fait il y a longtemps et l’est toujours. Il en va de même pour une gandoura ou un kimono japonais.

Pourquoi est-il justifié dans ce cas de parler d’appropriation culturelle plutôt que d’inspiration ou d’appréciation culturelle? Car selon les tenants du concept venus des Etats-Unis dans les années 90, la marque n’a jamais fait référence ni rendu hommage à la culture à laquelle elle a « emprunté » ce modèle. Nous parlons donc ici d’appropriation culturelle, un terme qui fait référence à une ère au cours de laquelle les puissances coloniales ont non seulement pillé les ressources naturelles, mais ont également exploité l’artisanat local des pays qu’elles dirigeaient.

Pour autant l’ensemble des créateurs ont « emprunté » des références culturelles ou cultuelles issus de différents pays. Mais au Maroc, il semble que ceci fasse polémique A SENS UNIQUE. En effet, de nombreuses entreprises ou créateurs s’inspirent de ce qui se vie dans chaque pays.

Rappelons nous déjà il y a quelques mois la procédure de mise en demeure lancée par le ministère de la Culture et de la Jeunesse du Maroc à l’encontre d’Adidas afin de requérir le retrait de la collection de maillots de sport inspirés de l’art de Zellige marocain (maillot de l’équipe nationale Algérienne). Adidas avait vivement réagi en indiquant que le maillot des fennecs (pour rappel des algériens, ceci explique peut-être cela) « s’inspire en effet du motif des mosaïques Zellige, et n’a à aucun moment vocation à offenser qui que ce soit », exprimant ainsi son « profond respect au peuple et aux artisans du Maroc » et « regrette la polémique autour de cette affaire » 

Rappelons nous encore cet autre « scandale » suscité encore par certains internautes qui: « Après l’Algérie, c’est au tour de l’Arabie saoudite de s’approprier la culture marocaine ! L’un des clichés utilisés par le ministère saoudien de la Culture lors du lancement d’un portail culturel présenté comme reflétant une « base de données complète pour le secteur culturel saoudien » fait polémique. Il s’agit d’une gravure architecturale marocaine représentant le zellige du Maroc. Le même cliché figure sur Amazon, qui vend la gravure sous la rubrique « Moroccan Architecture Print, Marrakech Wall Art » (gravure d’architecture marocaine, art mural de Marrakech).

Ces interventions sont repris avec vigueur par le ministère de la Culture marocaine qui ne s’étonne pas pour autant que dans ce « beau pays » existe une industrie de copie – vêtements, chaussures, bijoux, montres, marques de luxe. Et cela sans aucunes sanctions des autorités. Donc 2 poids, 2 mesures. Il faut rappeler que les copies, les faux, etc représentent un manque à gagner de plusieurs milliards de dollards pour toutes ces marques dont Balenciaga. Il suffit de se promener dans tout le Maroc pour voir ces marques inscrites sur des polos, tee-shirts, accessoires divers et mieux, des copies de bijoux ou montres. Là encore il apparait que les autorités marocianes n’y trouvent rien à redire.

Appropriation culturelle et appréciation culturelle : où se situe la frontière?

Aussi en 2024, il y a lieu de réfléchir à ce qui est de l’ordre de l’inspiration ou de l’appropriation Il est pertinent de se demander où se situe la frontière entre l’appropriation culturelle et l’appréciation culturelle? Et pour ça, il est important de se rappeler ce qu’est l’appropriation culturelle : c’est lorsqu’un groupe qui est ou a été oppressé se fait voler des vestiges de sa culture sans reconnaissance ou de mention faite à ladite culture. 

Aucune industrie n’est épargnée par l’appropriation culturelle et le sujet mérite qu’on s’y attarde encore.  l’appropriation culturelle ne résulte pas uniquement des grands groupes mais est également très présent sur les réseaux sociaux. Ainsi la génération Z l’a bien compris., en use et en abuse. Sur TikTok, la plupart des chorégraphies créées sur la musique dite « urbaine » par des danseurs noirs sont répétées par des milliers de personnes blanches (ou appartenant à d’autres ethnicités) qui les publient sur leur compte. Évidemment, il n’y a pas d’enjeu avec cela puisque c’est ça la force de ces plateformes sociales, de permettre à tout le monde de participer à un mouvement, ou au challenge du moment! 

Le problème survient lorsqu’il n’y a plus aucune reconnaissance donnée aux créateurs et créatrices de ces danses. De plus, la valeur monétaire importante attribuée à ces vidéos ne peut être ignorée ; les créateurs noirs se voient très rarement rémunérés pour leur création.

On a pu le constater avec des créatrices telles que Addison Rae ou Charlie D’Amelio qui ont toutes deux bâti leur following sur TikTok notamment grâce à des danses qui ont été créées par des créateurs et créatrices noir(e)s. Elle ont commencé à leur donner de la reconnaissance seulement lorsqu’elles ont reçu la foudre du #BlackTwitter, qui a décrié cette situation… 

Trop souvent on voit des créateurs de mode afro-descendants ou autochtones se faire voler leurs créations lorsque soudain des motifs et accessoires autrefois moqués deviennent « tendance ».

On l’a vu avec des marques de mode luxueuse comme Stella McCartney qui a été critiquée pour avoir copié des modèles traditionnellement africains, sans la moindre mention de sources ni références, et pire encore, sans aucune compréhension de la signification des certains dessins, qui bien souvent correspondent à l’écriture ou un aspect culturel important de certaines tribus. Ceci est de l’appropriation culturelle.

Plus récemment, en juin dernier, le magasin Zara, un géant du commerce de détail, a été accusé par le ministère de la Culture du Mexique d’utiliser des modèles de groupes autochtones qui reflétaient dans leur conception des symboles ancestraux liés à l’environnement, à l’histoire et à la vision du monde de cette communauté, sans aucun avantage social et financier pour ces communautés. 

En 2021, la marque de luxe fondée par l’Espagnol Cristóbal Balenciaga en 1919 a suscité un tollé à cause du style « affaissé » de ses pantalons, typique des prisonniers afro-américains, qui ont pour particularité de porter le sac très bas.

Conçue pour capturer les codes perçus comme issus de la classe ouvrière, la marque a fait sensation avec ses «Refugee Bags», rebaptisés plus tard «Barbès Bags» car ils arboraient le motif à carreaux emblématique du magasin Tati et «copiaient» même le sac de la marque IKEA.

Mais revenons à l’origine de notre article. Balenciaga et le jeu des 7 erreurs

Pour Balenciaga et son directeur artistique, le Géorgien Demna Gvasalia, la clé du succès semble résider dans la controverse et dans la maîtrise d’une règle d’or : sept différences suffisent pour échapper à un procès pour violation du droit d’auteur.

Face au tollé général suscité par les innombrables allégations d’appropriation culturelle, un virage radical Les créateurs de mode empruntent des éléments stylistiques à d’autres cultures depuis des siècles, et l’attrait qu’exercent les dessins et modèles traditionnels de style “ethnique” est aujourd’hui plus puissant que jamais. Veste conçue par Angela DeMontigny, créatrice de mode autochtone. (Photo: Courtesy of Marta Hewson / Angela DeMontigny) devrait s’opérer dans le secteur de la mode.

Nous avons interrogé Brigitte Vézina, conseillère en droit de la propriété intellectuelle et du patrimoine culturel, La Haye (Pays-Bas)

Partout dans le monde, on exhorte les créateurs de mode à être vigilants lorsqu’ils s’inspirent d’autres cultures, et à créer des articles qui en respectent les traditions. Si l’incertitude règne autour du terme “appropriation culturelle”, la propriété intellectuelle a sans conteste un rôle à jouer dans la lutte contre cette pratique préjudiciable.

La notion d’“appropriation culturelle” est floue. Elle peut être définie comme l’acte par lequel une personne issue d’une culture relativement dominante s’empare d’une expression culturelle traditionnelle pour l’adapter à une autre culture dans un contexte différent, sans autorisation, mention de la source ou rémunération, d’une façon qui porte préjudice au(x) détenteur(s) de l’expression culturelle traditionnelle en question.

La culture de la copie dans le secteur de la mode

De nombreux cas d’appropriation culturelle peuvent s’expliquer, du moins en partie, par le fait que la copie est une pratique très répandue sur le marché mondial de la mode. Si la création de mode se caractérise par un niveau de créativité stupéfiant, l’imitation reste un moteur essentiel du processus de conception. C’est ce qu’un grand nombre d’observateurs appellent le “paradoxe du piratage” : la rapidité avec laquelle s’effectuent les copies permet d’alimenter la demande des consommateurs pour un renouvellement perpétuel des dessins et modèles. Les nouvelles tendances se propagent rapidement depuis la haute couture vers la mode éphémère, ce qui incite les créateurs à se placer dans une perspective multiculturelle, et à envisager un éventail toujours plus large d’influences culturelles afin de créer une succession ininterrompue de styles nouveaux et originaux.

Cela n’a rien de nouveau. Les créateurs de mode empruntent des éléments stylistiques à d’autres cultures depuis des siècles. L’historique des influences étrangères sur la mode européenne peut être retracé à partir du bas Moyen Âge. L’expansion des échanges avec les Amériques et l’Asie, notamment par l’intermédiaire de la Route de la soie, a mis les riches marchands d’un bout à l’autre du Vieux Continent en possession de tissus raffinés et de vêtements d’un style nouveau. Bien plus tard, au début des années 1990, les créateurs étaient assoiffés de tout ce qui était traditionnel, ethnique ou folklorique et incorporaient dans leurs créations des motifs et des ornements issus de cultures autochtones. Aujourd’hui, l’attrait qu’exercent les dessins et modèles traditionnels est plus puissant que jamais. Les pages des magazines de mode foisonnent de vêtements et d’accessoires au style typiquement “ethnique”.

Quand s’inspirer rime avec léser

Partout dans le monde, on exhorte les créateurs de mode à respecter les traditions des autres cultures dont ils s’inspirent. Il arrive malheureusement que des créateurs s’emparent d’expressions culturelles traditionnelles, comme le pe’a, art traditionnel samoan du tatouage masculin (voir ci-dessus), et les réutilisent en dehors de leur contexte en faisant fi de leur signification culturelle ou en la dénaturant, ce qui cause un préjudice grave aux détenteurs de ces expressions. (Photo: Alamy Stock Photo / © Horizons WWP / TRVL)

Il arrive malheureusement que des créateurs s’emparent d’expressions culturelles traditionnelles et les réutilisent en dehors de leur contexte en faisant fi de leur signification culturelle, ou en les dénaturant, ce qui cause un préjudice grave aux détenteurs de ces expressions. Même lorsque le préjudice n’est pas intentionnel, il peut avoir des conséquences culturelles, sociales et économiques catastrophiques. C’est ainsi qu’en 2013, le fabricant américain de vêtements de sport Nike a imprimé des motifs tirés du pe’a, art traditionnel samoan du tatouage masculin, sur des leggings de gymnastique féminins. Face à la vague générale de protestation contre ce qui était dénoncé comme une exploitation dégradante et offensante du pe’a, Nike a retiré les leggings de la vente et s’est excusé publiquement. Plus récemment, en mai 2019, une annonce de Nike au sujet de la commercialisation des baskets “Air Force 1 Puerto Rico”, une version spéciale qui arborait des motifs tirés du mola, art de la culture des Gunas du Panama (motifs que Nike avait attribués à tort à la culture portoricaine), s’est heurtée à l’opposition farouche de représentants du peuple guna. Une fois de plus, cela a conduit Nike à annuler le lancement des chaussures de sport.

En réalité, de nombreux vêtements traditionnels ne sont pas uniquement fonctionnels ou ornementaux, mais possèdent une signification profonde et constituent une partie de l’identité des communautés autochtones qui les utilisent. C’est pourquoi le fait de copier des dessins et modèles sans égard pour la profonde signification culturelle qu’ils revêtent peut porter atteinte à l’identité d’une communauté tout entière. En outre, l’appropriation culturelle survient souvent dans le sillage de la colonisation, et contribue à l’aggravation des divisions existantes et à la perpétuation de schémas historiques de spoliation et d’oppression. À cela s’ajoute que la confection de vêtements traditionnels est une source de revenus pour de nombreux peuples autochtones et communautés locales; l’appropriation culturelle peut donc avoir des conséquences économiques dévastatrices, altérant la capacité de subsistance des communautés en supplantant la vente de produits authentiques. C’est ainsi qu’en 2015, la marque de vêtements britannique KTZ a copié le dessin et modèle d’un parka traditionnel inuit sur un chandail masculin commercialisé à un prix faramineux excédant 700 dollars É.-U. À la suite de protestations, KTZ a retiré le chandail de la vente et s’est excusée de cette atteinte non intentionnelle, mais n’a pas proposé la moindre compensation monétaire à la communauté inuite qui avait créé le dessin et modèle du parka traditionnel.

Un cadre politique et juridique complexe

De nombreux vêtements traditionnels, comme ceux de la culture des Gunas du Panama (voir ci-dessus), possèdent une signification profonde et constituent une partie de l’identité des communautés autochtones qui les utilisent. La confection de vêtements traditionnels est une source de revenus pour bon nombre de ces communautés; l’appropriation culturelle peut donc altérer leurs moyens de subsistance en supplantant la vente de produits authentiques. (Photos: Alamy Stock / © Ida Pap)

L’appropriation culturelle est un sujet qui suscite des débats passionnés en raison de sa complexité et de ses implications politiques et juridiques variées. Il est important de reconnaître que tous les emprunts culturels ne sont pas nécessairement préjudiciables. Dans les sociétés multiculturelles, il est essentiel de préserver la liberté d’expression et de favoriser les échanges culturels qui enrichissent la diversité.

Il est crucial de ne pas restreindre de manière indiscriminée les utilisations des expressions culturelles traditionnelles dans le secteur de la mode. En effet, l’industrie de la mode repose sur un large éventail d’influences culturelles qui peuvent se nourrir mutuellement et contribuer positivement à la société si elles sont traitées avec respect.

Cependant, la frontière entre inspiration tolérable et appropriation préjudiciable est souvent floue, ce qui rend la définition de l’appropriation culturelle complexe. Les discussions au sein de l’OMPI sur la protection des expressions culturelles traditionnelles soulignent l’importance de sensibiliser les créateurs de mode et le grand public à cette question pour éviter tout préjudice.

. À ce jour, il reste beaucoup à faire pour sensibiliser les créateurs de mode et le grand public afin qu’ils comprennent bien cette notion et prennent conscience du préjudice que l’appropriation culturelle peut causer.

La protection des expressions culturelles traditionnelles au titre de la propriété intellectuelle

L’appropriation culturelle est indubitablement liée au rapport conflictuel existant entre les expressions culturelles traditionnelles et le système international de la propriété intellectuelle. D’une manière générale, les lois en vigueur dans le domaine de la propriété intellectuelle  excluent les expressions culturelles traditionnelles de la protection et les relèguent au domaine public, ce qui les expose à l’appropriation et compromet l’application des lois et règlements coutumiers concernant l’accessibilité et l’utilisation de ces expressions dans un contexte coutumier. Le document de l’OMPI intitulé “La protection des expressions culturelles traditionnelles : projet actualisé d’analyse des lacunes » contient un examen détaillé des insuffisances que présente la législation en matière de propriété intellectuelle, notamment de droit d’auteur, pour empêcher efficacement l’appropriation des expressions culturelles traditionnelles.

Les créateurs de mode autochtones comme Angela DeMontigny, créatrice chez Cree-Métis, peuvent être les mieux placés pour promouvoir leur culture. À travers leurs créations contemporaines, ils proposent une conception authentique de leurs expressions culturelles traditionnelles et de leur patrimoine culturel. (Photo: Courtesy of Marta Hewson / Angela DeMontigny)

Il s’ensuit que mettre un terme à l’appropriation culturelle dans le secteur de la mode requiert d’étudier de façon approfondie les moyens d’améliorer la législation relative à la propriété intellectuelle pour mieux l’adapter aux besoins des détenteurs d’expressions culturelles traditionnelles en ce qui concerne la manière dont leur culture est représentée par les créateurs de mode. À la lumière de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (article 31), le cadre international de la propriété intellectuelle pourrait être remodelé afin de donner aux peuples autochtones les moyens légaux d’exercer un contrôle efficace sur leurs expressions culturelles traditionnelles. L’IGC de l’OMPI négocie actuellement un instrument juridique international visant à assurer, au titre de la propriété intellectuelle, une protection équilibrée et efficace des expressions culturelles traditionnelles. L’appropriation culturelle s’accompagnant manifestement d’un manque de respect, d’une absence de mention de la source et d’une déformation de la signification culturelle, l’extension du droit moral aux expressions culturelles traditionnelles est une solution sur laquelle les États membres de l’OMPI pourraient concentrer leur attention.

Quatre principes permettant d’éviter l’appropriation

Les créateurs de mode qui exercent leur activité dans le cadre juridique actuel peuvent établir des liens avec d’autres cultures et utiliser des expressions culturelles traditionnelles sans tomber dans le piège de l’appropriation culturelle s’ils se conforment aux quatre principes suivants :

  1. Compréhension et respect à l’égard des détenteurs d’expressions culturelles traditionnelles.
  2. Transformation et réinterprétation respectueuses des expressions culturelles traditionnelles.
  3. Mention des sources et reconnaissance à l’égard des détenteurs d’expressions culturelles traditionnelles.
  4. Participation des détenteurs d’expressions culturelles traditionnelles moyennant des demandes d’autorisation et de collaboration.

On trouve de nombreux exemples de créateurs collaborant activement avec des détenteurs d’expressions culturelles traditionnelles. Si la collection Cruise 2020 présentée en avril 2019 à Marrakech par la maison française de haute couture Christian Dior témoigne de la prise de conscience qui s’opère dans les milieux de la mode au sujet de l’importance qu’il y a à respecter les différentes cultures du monde, elle montre également que l’évolution est très progressive en raison de la complexité qui entoure l’appropriation culturelle. La collection a mis à l’honneur la créativité et le savoir-faire de créateurs africains de tissus imprimés à la cire fabriqués par Uniwax, une entreprise ayant son siège à Abidjan (Côte d’Ivoire) qui figure parmi les rares fabricants de tissus utilisant encore des méthodes traditionnelles. L’histoire du tissu imprimé à la cire est en elle-même un voyage culturel : alors qu’il est aujourd’hui associé à l’Afrique, dont il constitue un emblème, il trouve son origine dans le batik indonésien que des commerçants néerlandais ont introduit en Afrique il y a plusieurs siècles. Maria Grazia Chiuri, créatrice chez Dior, a déclaré à la presse que la collection se construisait “autour d’un dialogue entre le vestiaire Dior et la mode africaine” et était pour elle une façon de promouvoir activement la mode africaine et la tradition du tissu imprimé à la cire, laquelle se trouvait menacée par les copies bon marché réalisées par voie numérique.

La babouche marocaine (belgha)

Les babouches marocaines, également connues sous le nom de «belgha» au Maroc, sont des chaussures traditionnelles qui ont une longue histoire et une signification culturelle profonde dans la société marocaine. Ces chaussures en cuir souple sont souvent ornées de broderies colorées et de motifs complexes, ce qui en fait un véritable symbole de l’artisanat marocain.

Elles sont portées depuis des siècles au Maroc et dans d’autres pays du Maghreb. Elles sont souvent associées à la tradition et sont généralement portées lors d’occasions spéciales telles que les mariages, les fêtes religieuses et les célébrations familiales. Les babouches sont également portées au quotidien par de nombreuses personnes, en raison de leur confort et de leur durabilité.

Les babouches sont souvent fabriquées à la main par des artisans qualifiés, qui utilisent des techniques traditionnelles transmises de génération en génération. Le processus de fabrication des babouches est complexe et nécessite une grande expertise pour créer des chaussures de haute qualité. Les artisans utilisent du cuir de haute qualité, souvent teint à la main avec des colorants naturels, pour créer des babouches uniques et magnifiques.

Les babouches sont devenues populaires dans le monde entier en raison de leur style unique et de leur artisanat de qualité. De nombreuses marques de mode internationales s’en sont inspirées pour créer des chaussures modernes et tendance.

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Gérard Flamme

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