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Lip, la saga de la famille Lipmann. Acte 2

Lip, la saga de la famille Lipmann. Acte 2

En 1867, Emmanuel Lipmann (1844-1913) fonde à 23 ans un atelier d’établissage dans la Grande Rue de Besançon sous l’enseigne « Comptoir Lipmann ».

Ses deux fils, Ernest et Camille, reprendront par la suite l’atelier qui devient, en 1893, la « Société anonyme d’horlogerie Lipmann Frères ».

En 1896, le premier Chronomètre Lip est lancé. En un an, ce sont quelque 2 500 pièces qui seront produites. Sa désignation devient une marque, le nom Lip apparaît sur tous les cadrans de montres issues des ateliers.En 1902, les affaires sont prospères et « une manufacture d’horlogerie par procédés mécaniques » est bâtie dans le quartier de la Mouillère, elle emploie 110 salariés.

En 1908, près de 250 mouvements horlogers usinés par la fabrique Lipmann sont livrés quotidiennement. L’usine s’agrandit, sa production est soignée et innovante : les premières montres amagnétiques sont proposées à la clientèle, elles possèdent un spiral auto-compensateur et disposent d’un montage de rubis chassés. L’utilisation de nouvelles peintures comprenant des sels de radium permet de rendre visible aiguilles et cadrans dans l’obscurité.

En 1931, la société devient « Lip S.A. d’Horlogerie ». Des actions de l’entreprise sont alors cédées aux distributeurs pour promouvoir les ventes. La direction reste familiale : Le fils de Camille, James Lipmann, est directeur commercial ; Les deux enfants d’Ernest, Fred et Lionel Lipmann, sont respectivement directeur technique et responsable de la communication.

Conçu par André Donat, le calibre T18 est introduit en 1933. Des licences de fabrication sont accordées à des pays de l’Europe l’Est, elles perdureront jusque dans les années 1960. De premières recherches sur l’électricité mènent à la commercialisation de pendule électriques imaginées avec le suédois Ericsson.

La fabrication s’étend progressivement à de petits objets de précision et à des instruments  électromécaniques. Au milieu des années 1930 sont employés 350 personnes qui produisent environ 3 500 montres par moi. Afin de ne pas altérer la qualité de la production, un sol anti-poussière est mis en place dans l’usine et les ouvriers sont priés de porter pantoufles et blouses blanches. En 1936, est présenté la Nautic, un modèle « étanche, hermétique et inoxydable » et l’établissement se voit remettre la « Coupe chronométrique » par l’Observatoire de Besançon. Entre 1935 et 1939 des montres-bracelet destinées à l’aviation civile et militaire sont créées.

Lip est considérée durant la seconde guerre mondiale comme une entreprise indispensable pour le Reich allemand. La société est alors réquisitionnée pour suivre un processus d’aryanisation, car ses dirigeants demeurent d’origine israélite. Ernest Lipmann et sa femme sont arrêtés et conduits à Drancy le 5 novembre 1943, puis déportés le 20 novembre par le convoi no 62. Ils ne reviendront pas d’Auschwitz.

Lionel se retire alors de l’entreprise tandis que James Lipmann rejoint les États-Unis où il apportera son soutien à Jean Monnet.nEn septembre 1944, en l’absence de son frère Lionel et de celle de James, Fred Lipmann devient président de Lip. De nouvelles chaînes de montage voient le jour et le parc de machines est renouvelé.

Lip, qui est une des rares manufactures à maîtriser le processus de fabrication des ressorts spiraux de ses montres, cofonde la Sidhor pour s’approvisionner en assortiments. Sont lancés des calibres d’une grande modernité, notamment le R25 imaginé par Jean-Georges Laviolette utilisé dans une montre bracelet « Prim » d’origine tchèque. En 1950, les membres de l’expédition française vers le sommet de l’Annapurna sont équipés de montres Lip. Le modèle Himalaya dont le large boîtier au fond vissé présente une couronne de remontoir  partiellement enchâssée offre plus de robustesse et crée ainsi les prémisses de la montre de sport. Le mouvement est équipé d’un ressort incassable Elgiloy conçu pour résister aux grands froids. L’alliage de ce ressort, développé par le Battelle Memorial Institute puis diffusé dans le monde de l’horlogerie, fait paraître Lip comme précurseur.

En 1952, Lip présente à l’Académie des Sciences l’Electronic, un prototype avant-gardiste de montre électrique qui possède une diode électronique. Conçue en partenariat avec « Elgin », cette montre fut produite en série à partir de 1958. Elle est offerte au général de Gaulle après son retour au pouvoir ainsi qu’au président des États-Unis Dwight D. Eisenhower lors de sa venue en France. À la suite d’accords commerciaux, Lip distribue en France les chronographes Breitling, fait de même pour les montres Universal Genève et les premiers modèles Blancpain spécialement destinés à la plongée sous-marine.

En 1959, les 1 100 ouvriers qui travaillent à Besançon fournissent 500 000 pièces d’horlogerie ainsi que 130 000 moteurs électriques et autres objets électromécaniques. Pour assurer le contrôle qualité, la production s’appuie sur 22 machines de laboratoire, 28 machines de contrôle, 79 machines électroniques et 129 appareils optiques. Une succursale est spécialement inaugurée à Genève afin d’assembler des montres avec des composants d’origine suisses et le groupe détient trois filiales : « Pignons Français SA » spécialiste du décolletage de précision, « SOC » qui fabrique des machines-outils à Ornans et « Technic Ebauche » qui produit des ébauches à Maîche. Dans les années 1960, l’entreprise reçoit de nombreuses récompenses pour la précision de ses  mouvements et le design de ses montres. En 1963 est présenté le R136, un calibre manuel extra-plat de 3,3 mm de haut.

À cette époque, une nouvelle usine ultra-moderne est construite sur 9 ha dans le quartier de Palente. Elle procède à un contrôle systématique de la production, soit plus de 60 000 tampons, jauges de mesure et autres instruments de précision, ainsi qu’à la vérification physico-chimique de l’ensemble des matières premières utilisées. Elle dispose d’un service de traitement thermique pour la trempe-revenu de toute la visserie horlogère, d’un service de galvanoplastie pour les revêtements des boites de montre ainsi que d’un atelier fournissant des rondelles de barreaux monocristallins de silicium destinées à l’industrie naissante de la microélectronique.

Un autre département, de loin le plus rentable se spécialise dans le matériel militaire et l’aérospatiale. Il est capable, entre autres, d’usiner des formes spéciales en titane. L’entreprise propose aux industriels des outils spécialisés. Aussi, rectifieuses planes et cylindriques, presses à vérins pneumatiques, systèmes d’alimentation automatiques Lip sont appréciés à l’exportation, y compris chez les constructeurs suisses et dans de nombreux lycées techniques français.

Depuis les années 1960, les débouchés commerciaux de Lip, dans son secteur « horlogerie », se limitent au marché national et la concurrence des montres à bas coût est rude. La situation financière de l’entreprise se dégrade. En 1967, Fred Lipmann, devenu Fred Lip, décide d’ouvrir le capital et cède 33 % de ses parts au consortium horloger suisse « Ébauches SA ». En 1970, Lip emploie près de 1 300 personnes et son chiffre d’affaires est de 83 millions de Francs. Ébauches SA en devient l’actionnaire principal avec 43 % du capital.

Informations pratiques

https://www.lip.fr/fr/

Lip diffuse ses montres en vente directe grâce à son site internet, que ce soit pour la France ou pour l’étranger et dispose en France d’un réseau de 770 horlogers détaillants. À l’étranger, Lip est représenté par environ 130 commerçants.

Gérard Flamme

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