Le phénomène du vide-dressing au Maroc est en pleine effervescence, reflétant une tendance mondiale où les sites web, les réseaux sociaux, les ateliers et les showrooms sont utilisés pour acheter et vendre des articles de luxe à des prix réduits.
Dans le domaine du shopping de luxe au Maroc, une véritable révolution s’est opérée. Avant l’avènement du Morocco Mall et l’explosion des boutiques de luxe sur l’axe Casablanca-Rabat, la bourgeoisie marocaine avait l’habitude de se tourner vers l’étranger pour s’approvisionner. La France était la destination favorite pour la plupart des nantis, tandis que d’autres préféraient l’Italie ou les États-Unis. La digitalisation de la société marocaine a ouvert de nouvelles perspectives dans le domaine du shopping, notamment avec l’émergence du concept de vide-dressing en ligne. Inspirée par les Etats-Unis, Le Maroc a rapidement suivi le mouvement en développant un marché du e-commerce d’articles de luxe de seconde main. Cependant, contrairement à d’autres pays où ce marché est très réglementé, le Maroc est encore un véritable farwest numérique, sans règles ni limites.
Aujourd’hui, à Rabat ou Casablanca, l’offre des grandes enseignes parvient à satisfaire les désirs exigeants d’une clientèle à la recherche des dernières tendances. Dans la vieille médina de Casablanca, les imitations de marques sont proposées depuis des décennies, offrant la possibilité de s’habiller de la tête aux pieds avec des marques renommées. Bien que cela soit illégal, la passion pour le luxe, ou du moins l’apparence du luxe, reste forte au Maroc. Cette passion pour la mode à moindre coût peut parfois conduire à des compromis sur l’authenticité, ou même à céder à la tentation de la contrefaçon.
Les vide-dressings sont devenus des événements incontournables pour les amateurs de mode à la recherche de bonnes affaires. S.R., par exemple, organise régulièrement des ventes privées d’articles de luxe de seconde main dans son appartement à Casablanca. Des sacs Gucci usagés, des paires de Valentino, des manteaux Dior, des vestes Joseph… Les clientes triées sur le volet se retrouvent pour dénicher des pièces uniques et stylées, créant ainsi une atmosphère exclusive et convoitée.
La clientèle de ces événements est diversifiée, allant des personnes aux salaires confortables cherchant à acquérir des pièces de luxe à prix réduit, aux passionnés de mode désireux de compléter leur garde-robe avec des articles de marque. Pour certains, comme Yasmine, ces rendez-vous de vide-dressing sont des occasions à ne pas manquer, où elles peuvent investir entre 5000 et 10 000 dirhams chaque trimestre pour des accessoires et vêtements qui rehaussent leur style et leur confèrent une certaine valeur ajoutée.
Le monde du business au Maroc est en pleine effervescence, avec l’émergence de jeunes entrepreneuses comme Leila, qui cherchent à impressionner leurs prospects en affichant une image de réussite avant même d’avoir commencé. Le choix de Leila de poser sur la table de réunion un sac et des lunettes griffées est un moyen efficace de donner le ton et d’imposer le respect dès le premier regard.
Dans un pays où l’apparence compte énormément, Leila sait que l’image qu’elle renvoie est cruciale pour son succès. La valeur de ce qu’elle affiche est directement liée au respect qu’elle inspire. C’est pourquoi elle mise sur des accessoires de luxe pour se démarquer et marquer les esprits.
Narjiss Mossadak, fondatrice de jeshop.ma, est l’une des premières à avoir investi ce créneau au Maroc. Consciente de l’importance de l’authenticité dans le domaine de la mode, elle a mis en place des procédures strictes pour garantir la qualité des articles proposés sur sa plateforme. Son souci du détail et son engagement envers la légalité font d’elle une figure respectée dans le secteur.
Cependant, malgré les efforts louables de Narjiss et d’autres entrepreneuses comme elle, le marché du vide-dressing en ligne est également le terrain de jeu de la contrefaçon et du marché noir. Sur les réseaux sociaux, de nombreux comptes proposent des articles de luxe sans garantie d’authenticité, attirant une clientèle en quête de bonnes affaires. Cette concurrence déloyale rend la tâche des entrepreneuses sérieuses encore plus difficile.
La question du moyen de paiement est également cruciale dans ce secteur. Alors que certaines entrepreneuses prônent la traçabilité des paiements, d’autres se contentent de transactions en espèces ou de chèques au porteur, rendant difficile la lutte contre les pratiques illégales.
Malgré ces défis, ces entrepreneuses persévèrent dans leur détermination et leur engagement envers la qualité et la légalité dans ce secteur en pleine évolution.
Derrière ces comptes, on trouve une variété de particuliers, la plupart ayant un emploi stable et cherchant à arrondir leurs fins de mois en faisant de l’intermédiation. Siham en est un exemple concret. Travaillant en tant que responsable de recouvrement dans une société, elle bénéficie de quelques contacts en Italie et aux États-Unis. Grâce à ces contacts, elle reçoit régulièrement des articles de luxe venant d’ailleurs, dégriffés ou faux, à des prix imbattables. Siham les met ensuite en vente sur son compte Instagram.
Un autre profil de vendeurs pour un grand nombre illégaux qui sévissent sur le web est celui des « personal shoppers », un métier de plus en plus en vogue au Maroc. Contrairement à d’autres pays où les personal shoppers sont généralement sollicités par des célébrités ou des VIP qui n’ont ni le temps ni l’envie de faire leur shopping, au Maroc, ce métier prend quelques variantes. Les acheteuses marocaines, vivant à l’étranger ou ayant la possibilité de s’y rendre régulièrement, font appel à des personal shoppers via Instagram. Ces acheteuses filment les articles disponibles en boutique proposant des fins de série à prix réduits, et proposent à leur communauté virtuelle de leur acheter l’article qui leur plaît moyennant une commission, équivalente à la détaxe. Il suffit ensuite d’envoyer la somme convenue sur le compte bancaire du personal shopper au Maroc, qui achètera alors l’article et l’enverra à sa cliente par le réseau postal.
Mais la clientèle marocaine se montre aussi relativrement conservatrice dans sa manière d’acheter, préférant toucher, palper et essayer les produits avant de les acquérir. C’est pourquoi certaines acheteuses envisagent d’investir dans un showroom physique pour pouvoir présenter les produits à leurs clientes potentielles avant de finaliser une vente.
Le vide dressing digital apporte certains avantages aux vendeuses. D’un côté, il y a la quadragénaire issue d’une classe sociale aisée qui voyant son placard débordé et surchargé par ses envies incessantes de nouveautés. Pour elle, vendre ses articles ne vise pas à gagner de l’argent, mais plutôt à libérer de l’espace chez elle. Elle fixe ses prix en fonction de ses coups de cœur, vendant à des tarifs variés sans réelle stratégie. D’un autre côté, il y a la femme récemment divorcée ou confrontée à des difficultés financières, qui vend ses vêtements les plus chers ou ses bijoux pour faire face à ces revers de fortune. Un peu caricatural, certes.
Dans ce monde où la mode et le style se rencontrent, les vide-dressings sont devenus des lieux incontournables pour exprimer sa personnalité, son goût et sa créativité, tout en se faisant plaisir à moindre coût. Que ce soit pour dénicher la perle rare ou simplement pour vivre une expérience unique, les vide-dressings au Maroc sont une véritable source d’inspiration et de plaisir pour tous les amoureux de la mode. Avec la créativité et l’ingéniosité des vendeurs et acheteurs en ligne, le paysage du commerce évolue rapidement pour s’adapter aux besoins et aux préférences d’une clientèle toujours plus connectée et exigeante.
Quelques sites (non exhaustif) : https://lecorner.ma/, https://rebirth.ma/, https://maisonv.ma/, https://used.ma/, https://nebta.ma/, https://bidikoum.ma/
Gérard Flamme