Après l’audacieuse exposition « Serpent » qui a introduit l’art aborigène australien au public marocain, le musée Yves Saint Laurent Marrakech (mYSLm) confirme son engagement en faveur d’un dialogue interculturel stimulant en accueillant « Oiseaux du Mexique ».
Placée sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, cette exposition explore la riche et complexe relation entre la société mexicaine et la faune aviaire, s’étendant de l’âge classique maya aux avant-gardes artistiques modernes.

« Oiseaux du Mexique »: Un dialogue transculturel fécond entre le Maroc et le Mexique
L’exposition « Oiseaux du Mexique », présentée au Maroc, se distingue par son originalité et sa portée. Elle n’est pas une exposition itinérante exportée, mais elle est le résultat d’un dialogue culturel riche et complexe entre le Maroc et le Mexique. Cette collaboration transculturelle, dont l’importance mérite d’être soulignée, a permis de donner naissance à un événement unique en son genre.


L’initiative de cette exposition revient à Juan Gerardo Ugalde Salinas, commissaire d’exposition en charge de la restauration et de la conservation des collections du musée Pierre Bergé des arts berbères et du musée Yves Saint Laurent Marrakech. C’est au Maroc, au cœur d’un processus de réflexion et de recherche scientifique de plusieurs mois, que l’exposition a été conçue. La rigueur de cette préparation s’est appuyée sur un partenariat étroit avec des chercheurs, des historiens de l’art et des experts de l’aire géographique d’Amérique Latine. La participation de la conseillère scientifique Ana Elena Mallet, conservatrice mexicaine spécialisée dans le design moderne et contemporain, a été particulièrement déterminante. Son expertise a guidé la conception de l’exposition, garantissant ainsi une approche scientifique et respectueuse du patrimoine mexicain présenté.
L’unicité de l’événement réside également dans le fait qu’il s’agit de la première fois qu’un ensemble de trésors patrimoniaux mexicains d’une telle ampleur est accueilli en Afrique du Nord. Cette dimension inédite a permis d’obtenir des prêts exceptionnels de la part de prestigieuses institutions publiques mexicaines, témoignant de l’importance accordée à ce projet de collaboration culturelle.
« Oiseaux du Mexique » ne se contente pas d’exposer la diversité des espèces d’oiseaux présentes dans l’art mexicain ; elle révèle la profondeur de leur signification culturelle et spirituelle. À travers une collection impressionnante de plus de 90 œuvres et objets originaux, issus d’une vingtaine de collections mexicaines privées et publiques, le visiteur est invité à contempler vases, parures, tableaux et objets décoratifs, témoignant d’une production esthétique d’une extraordinaire richesse.
L’exposition s’ancre dans une compréhension profonde du rôle des oiseaux dans la Mésoamérique. Bien au-delà d’une simple ressource, les oiseaux étaient intrinsèquement liés aux pratiques culinaires, médicinales, économiques, religieuses et ornementales. Leurs comportements naturels étaient interprétés comme des présages, les transformant en intermédiaires spirituels entre le monde visible et l’invisible. Ainsi, ils incarnaient la vie, la guerre, le soleil et l’inframonde, transcendant leur statut d’animaux pour devenir des symboles puissants.

La fascination pour les plumes, à l’égal des turquoises, de la jadéite, du cacao, de la vanille et de l’or, a stimulé d’importants projets collectifs. La diversité de leurs formes et de leurs couleurs, allant des teintes opaques aux reflets métalliques et iridescents, a inspiré leur intégration dans les symboles spirituels et les objets ornementaux, notamment ceux associés à la guerre, à la religion et au pouvoir.
« Oiseaux du Mexique »: Un vol transculturel entre patrimoine et conscience environnementale
En retraçant l’histoire patrimoniale du Mexique à travers le prisme de son avifaune, elle invite à une évaluation profonde de l’ancrage des traditions et des us et coutumes dans l’imaginaire contemporain, résonnant à une échelle universelle. Le voyage proposé aux visiteurs est double: un voyage géographique, entre le Mexique et le Maroc, et un voyage conceptuel, explorant les liens subtils entre nature et culture, histoire et environnement.
L’exposition s’articule autour de la présence constante des oiseaux dans le paysage contemporain, tant au Mexique qu’au Maroc. Qu’ils soient représentés dans les arts ou présents dans la vie quotidienne, ces animaux tissent des associations riches et significatives. Les similitudes entre les deux pays se manifestent d’abord par la richesse de leur environnement naturel. Le Mexique, avec ses façades océaniques et ses golfes divers, jouit d’une biodiversité exceptionnelle, abritant une part considérable des espèces d’oiseaux du monde. Le Maroc, quant à lui, de par sa position stratégique entre l’Europe et l’Afrique, se révèle également un havre pour une faune aviaire impressionnante.


Au-delà de la dimension environnementale, l’exposition suggère des concomitances historiques plus profondes, notamment en ce qui concerne l’influence arabe dans la culture hispanique. L’évocation de la Reconquista espagnole en 1492, coïncidant avec l’arrivée de Christophe Colomb aux Antilles, et de la prise de México-Tenochtitlán en 1521, met en lumière l’héritage complexe de la cohabitation séculaire entre les peuples hispaniques et les communautés arabes et amazighs. Cette influence culturelle transparaît subtilement dans divers aspects de la culture mexicaine, tissant un lien inattendu avec le Maroc.
Cependant, l’exposition ne se limite pas à ces parallèles historiques et culturels. Elle aborde un thème central qui connecte intrinsèquement le musée à son environnement : la notion de « musée-jardin ». Cette notion souligne l’importance des liens entre la nature et la culture, entre l’humain et les règnes animal et végétal, valeurs fondatrices de la Fondation Jardin Majorelle à Marrakech et de la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent à Paris. En adoptant la perspective de l’oiseau, l’exposition met en évidence la relation indissociable entre la richesse biologique et le patrimoine culturel.

L’importance de l’avifaune au sein du Jardin Majorelle, qui abrite à lui seul plus de 10% des espèces d’oiseaux du Maroc, est particulièrement soulignée. Ces espèces fragiles et non domesticables symbolisent la liberté dans notre monde et nous rappellent notre responsabilité environnementale. L’exposition adresse ainsi un message essentiel : dans une société productiviste et anthropocentrée qui tend à ignorer ou à mettre en danger la faune aviaire, il est impératif de se reconnecter à la nature et de réévaluer notre rapport au monde vivant. « Oiseaux du Mexique » invite donc à une réflexion profonde sur notre héritage, notre environnement et notre responsabilité envers les générations futures.
« Oiseaux du Mexique » offre ainsi une perspective unique sur l’histoire et la culture mexicaines, en soulignant l’importance de l’observation de la nature et de son interprétation symbolique. En présentant cette exposition au Maroc, le mYSLm transcende les frontières géographiques et culturelles, invitant le public à une réflexion profonde sur le rôle de l’art dans la compréhension du monde et de l’humain. Plus qu’une simple exposition, « Oiseaux du Mexique » est une invitation à un voyage fascinant au cœur de l’âme mexicaine, à travers le prisme enchanteur du vol et des couleurs de ses oiseaux.
Oiseaux du Mexique Jusqu’au 27 Juillet 2025
Gérard Flamme